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fréquentes et plus graves. On sait que, pour les ascensions sur les grands sommets ou pour les étapes sur les très hauts plateaux, dans le voisinage des sources de l’Indus par exemple, ce ne sont plus des chevaux qu’il faut prendre pour porter les bagages, mais des yaks ou des moutons.

Nous quittons le fond de la gorge, encombré d’un chaos de blocs de pierre, pour grimper au flanc de la paroi de gauche, puis de celle de droite ; nous revenons sur la rive droite, c’est-à-dire sur le mur de gauche, et enfin nous commençons à nous élever en zigzag, entre deux ravins, suivant la crête d’une sorte de dos d’âne, au milieu d’un fouillis de rochers dont le plan général est très compliqué. Le sol, lui-même, est invisible, étant entièrement couvert de neige. Mais cette neige, qui ne paraît pas très épaisse, est solidement gelée et nous porte parfaitement. Nous voyons devant nous, à une altitude encore respectable et qui peut être de sept à huit cents mètres, se dresser une sorte de muraille, toute blanche, d’apparence rébarbative, que Dost-Mohammed et Djoumani me présentent comme étant le Terek-Davan. L’aspect de ce passage, aussi peu engageant que possible, n’est pas celui d’un col ; ce n’est pas non plus celui d’un pic, mais plutôt d’un mur à sommet tranchant et horizontal. En fait, ce n’est pas un col à proprement parler. C’est un point quelconque de la crête de l’Alaï, qui n’est pas notablement plus bas que les points voisins, mais qui est plus accessible, à cause de la rainure où ruisselle le Terek. Tant à droite qu’à gauche, on se heurterait à des escarpemens infranchissables. En outre, ce point présente cette particularité, que la crête y paraît moins large qu’ailleurs, et qu’exactement en face de la vallée par laquelle nous sommes montés, il s’en trouve une autre qui descend sur le versant opposé. À ce titre, mais à ce titre seulement, on peut dire que le Terek-Davan est un col. C’est pourquoi on a choisi ce passage, qui, d’autre part, est situé sur la route la plus directe entre Gouldcha et Irkechtam. Mais comme facilité d’accès, il laisse beaucoup à désirer. Dans mes voyages ultérieurs au Turkestan, on m’a dit que, depuis ma visite, le sentier a été amélioré, notamment par les soins du colonel Deibner, puis par ceux de Groumbtchevsky, devenu son successeur.

La configuration générale du terrain sur lequel nous nous élevons rappelle celle d’un entonnoir coupé en deux par un plan vertical. Après quatre heures d’ascension dans la partie étroite de l’entonnoir, nous avons débouché, vers onze heures du matin,