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LE DÉSARMEMENT
ÉTUDE DE DROIT INTERNATIONAL

Le monde est sous le poids d’un cauchemar. Les nations mêmes qui, depuis un certain nombre d’années, vivent en paix avec le genre humain, jugent évidemment cet état de choses fort précaire et semblent craindre d’être réveillées en sursaut par le bruit des armes. Elles se préparent incessamment à la guerre, afin de n’être pas surprises par la guerre.

Elles arment donc sans relâche. D’abord elles perfectionnent leurs moyens de destruction. La science a d’inépuisables ressources. Il faut mettre au rebut, après bien peu d’années, les fusils et les canons à longue portée parce que d’autres engins, plus terribles, ont été découverts. A peine un vaisseau de guerre est-il construit qu’il a passé de mode et doit céder la place à de nouveaux types. C’en est fait d’un peuple qui ne se tient au courant que des avant-derniers progrès ; il est d’avance hors de combat. En outre la victoire appartient, on le croit du moins encore, aux gros bataillons. Jusqu’à ce qu’un autre Alexandre apparaisse, capable de manier en maître une armée de dimension moyenne et de porter avec lui la foudre en compensant l’infériorité numérique par un prodige continu de précision et d’agilité, les nations doivent se lever en masse, il faut entasser légions sur légions. Or il ne s’agit pas de faire descendre dans la lice des hordes indisciplinées, semblables à celles que faucha l’épée de Marius : il ne suffit pas de lever des hommes ; on doit préparer des soldats. A chaque peuple de supputer le nombre de soldats véritables que ses voisins pourront mettre en ligne : il est perdu s’il est devancé.