Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/882

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est, en effet, de la fusion de la Société française et de la National African Company qu’est née la Royal Niger Company qui a ajouté une page si remarquable à l’histoire de l’expansion coloniale de l’Angleterre dans le monde. Le premier résultat de la fusion fut l’élévation du capital de la Compagnie, qui fut porté de 6 250 000 francs à 25 000 000 de francs ; elle prit alors le nom de Niger Company et elle mit à sa tête lord Aberdare, président de la Société de géographie de Londres. Elle étendit considérablement le champ de ses opérations, et au programme commercial qu’elle avait suivi jusqu’alors ajouta tout un vaste programme politique. Elle voulut soumettre à son autorité tout l’empire du Soudan central, de l’embouchure du Niger au lac Tchad et au-delà. Son premier soin fut de faire acte de souveraineté sur les territoires s’étendant de l’embouchure du Niger jusqu’à Lokodja, au confluent du Niger et de la Bénoué ; puis, le a avril 1885, elle établit le protectorat de Sa Majesté Britannique, au-dessus de Lokodja, sur le Noupé, et fit afficher dans toutes les factoreries du bas Niger, afin que nul n’en ignorât, la proclamation de ce protectorat[1]. Remontant ensuite le Niger, un agent diplomatique de la Compagnie acheta du roi de Gando, dont les États confinent au Noupé, la propriété des deux rives du fleuve sur une largeur de 48 kilomètres depuis le Noupé jusqu’à Boussa et Saï ; pareil achat eut lieu des deux rives de la Bénoué jusqu’à Yola. A la même époque, par un autre traité, la Compagnie affirmait son influence au moins commerciale sur le Sokoto. Ces acquisitions ne soulevèrent alors en Europe aucune objection. Même la Conférence de Berlin reconnut expressément aux Anglais la possession des deux rives du Niger jusqu’à Lokodja.

Alors le moment parut venu au Foreign-Office d’entrer en ligne et de cueillir la riche moisson de peuples et de royaumes que les enfans de la pratique Albion avaient fait lever. Désormais le gouvernement britannique pouvait, sans avoir à redouter la moindre complication et la moindre difficulté, donner son appui officiel à la nouvelle puissance qui s’élevait dans le Soudan. Il n’y avait d’ailleurs pour cela qu’à fortifier l’action de la Niger Company, à ratifier les traités conclus par elle et à lui reconnaître la possession des territoires qu’elle s’adjugeait. Des pourparlers entre le gouvernement et la compagnie furent donc

  1. Voir, à ce sujet, le livre du commandant Mattéi : Niger, Dahomey, Soudan.