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principes les plus stricts de l’économie politique, et peut-être, en se plaçant à ce point de vue un peu étroit, mériterait-il des éloges, s’il avait en même temps garanti la liberté du travail : nous avons vu qu’il ne l’avait pas fait, ou qu’il ne l’a fait qu’au dernier moment. Toutefois son abstention a-t-elle été aussi réelle qu’apparente ? Il y a tout lieu de croire que si M. le préfet de la Seine, qui est un agent du ministre de l’Intérieur, a pris, dans le Conseil municipal, l’attitude que nous avons dite, il ne l’a pas fait sans instructions de son chef. S’il a approuvé la résolution du Conseil, c’est qu’elle était déjà approuvée en plus haut lieu. S’il en a commencé l’exécution, c’est qu’il y avait été invité par M. Brisson lui-même. La responsabilité du gouvernement est donc engagée ici de la manière la plus directe, et, à quelques égards, elle est très lourde. Nous ne doutons pas de la bonne volonté du ministère ; mais on peut encore moins douter de sa faiblesse. La fermeté véritable ne consiste pas à mettre beaucoup de soldats dans la rue, sans quoi le gouvernement serait, en somme, une chose facile. Puisque le ministère a influé sur la solution intervenue, on a le droit de lui dire que cette solution n’est pas bonne. Et d’ailleurs, c’est bien son avis, puisqu’en l’adoptant pour la Ville, il a refusé de s’engager à l’appliquer lui-même aux travaux de l’Exposition. Nous comprenons, nous approuvons, nous partageons le désir de voir cesser la grève ; elle n’a déjà que trop duré ; mais il ne suffit pas d’y mettre fin par un procédé quelconque, il faut en prévenir le renouvellement. Pendant les dix-huit mois qui nous séparent encore de l’Exposition universelle, nous serons toujours à la veille de voir renaître le danger auquel on n’a essayé d’échapper que par un expédient onéreux. L’inquiétude sera continuelle ; elle croîtra avec l’urgence de plus en plus grande des travaux. Hier il s’agissait des terrassiers ; de qui s’agira-t-il demain ? Ce ne sera vraisemblablement pas le ministère actuel qui subira les conséquences de la faute qu’il vient de commettre, mais il n’en sera pas moins moralement responsable.


Au dehors, la politique de notre gouvernement ne mérite pas les reproches que nous adressons à sa politique au dedans. Le gouvernement anglais a jugé à propos de publier un Livre Bleu sur Fachoda, et on annonce que notre ministère des Affaires étrangères publiera de son côté un Livre Jaune pour la prochaine rentrée du Parlement. Sans attendre ce second document, le premier nous édifie déjà sur l’attitude et sur le langage qu’a tenus M. Delcassé dans les conversations qui ont eu déjà lieu, attitude et langage qui doivent être approuvés. Il