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celle que nous avons devant nous et celle qui fait retour sur notre gauche, le développement architectural primitif, celui du XVe siècle, subsiste intact.

Une galerie basse forme cloître, soutenue par des colonnettes à multiples nervures ; une seconde galerie s’élève au-dessus ; des arcatures de bois la divisent en loges. Entre les deux promenoirs court une bande d’ardoises, faisant balcon. A notre droite, l’extrémité du bâtiment de fond s’appuie à un campanile quadrangulaire, qui s’élève d’un seul jet et qu’un toit pointu termine : c’est l’antique colombier, autour duquel tournoient encore un vol de pigeons et des frémissemens d’ailes. De l’autre côté, au point où les deux bâtimens se coupent, une tourelle s’est logée dans l’angle, pose sur un renflement circulaire des galeries et se coiffe d’un toit en poivrière.

Au-dessus des galeries, des édicules effilés font saillie sur le toit et rompent sa ligne horizontale, leur face tournée vers nous. Ils sont de ceux qu’on appelle en Bourgogne des louvres, c’est-à-dire des lucarnes très vastes, très proéminentes, servant à éclairer l’intérieur des combles et offrant prétexte à mille fantaisies d’architecture. A Beaune, il y a dix de ces louvres sur le bâtiment du fond, trois sur celui de gauche, disposés les uns et les autres en double rangée et de dimensions inégales : les plus grands s’appuient sur la galerie supérieure, les autres commencent plus haut et en retrait. Leur base à tous se divise en baies ogivales, avec des arcs trilobés et des sinuosités moresques. Leur fronton triangulaire, joliment festonné, enferme un entre-croisement de lattes ou de poutrelles. Chez quelques-uns, dans la niche étroite qu’abrite le sommet du triangle, un ange est blotti et tient un écusson. Chez tous, le fronton est surmonté d’une pointe hérissée de crochets gothiques ; cette saillie se prolonge en une lance enrubannée de fines sculptures, qui transperce des ornemens feuillus, des couronnes ducales, et qui dresse à son extrémité un pennon de métal, faisant girouette et marqué des clefs d’or de Rolin, de la tour d’or de Guigone, armes des fondateurs devenues celles de l’hospice.

Pareilles aiguilles jaillissent au-dessus des tours, des clochetons, et de toutes les ouvertures. Les ornemens sont partout de plomb martelé, découpé, fouillé à outrance : leur forme varie à l’infini : il paraît que, lors de la construction, chaque ouvrier, chaque maître d’œuvre, a reçu licence de s’abandonner à son