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Même en Hollande, il y a eu du chemin parcouru dans le dernier demi-siècle. La proclamation de Guillaume III était sèche et de mauvaise humeur, telle qu’on la pouvait attendre dans ses dispositions d’esprit : « Guillaume Ier a reçu le souverain pouvoir pour l’exercer d’après une constitution. Guillaume II, de concert avec la représentation nationale, a modifié la Constitution selon les exigences du moment. Ma tâche est de garantir à la Constitution son application intégrale. En m’acquittant de cette tâche, je compte sur le constant appui de tous les pouvoirs constitutionnels. » — La reine Wilhelmine n’écrit pas de ce style.

Mais, si rien ne justifie en l’espèce la proposition rapportée tout à l’heure, il demeure vrai, d’une vérité générale, « qu’il n’y a pas de place en Hollande pour le pouvoir personnel. » Et c’est pourquoi il est sans doute intéressant de déterminer avec quelque exactitude la nature de l’affection à nouveau renouée et les conditions de l’alliance à nouveau jurée entre les Pays-Bas et la maison d’Orange.


IV

Dans la série des princes de sa race, le cas de la jeune reine est particulier. D’abord, elle est la première fille d’Orange qui ait occupé le trône de Néerlande ; et l’on ne saurait oublier non plus les circonstances où elle est née et où elle a grandi. A son endroit, l’affection nationale est un peu mouillée de larmes. Successivement, la Hollande avait vu disparaître les trois fils sortis du mariage de Guillaume III avec la reine Sophie : l’aîné, Maurice, en bas âge ; le deuxième, Guillaume, en pleine maturité ; le dernier, Alexandre, à trente-trois ans. Il ne restait plus à la couronne d’héritier direct ; et, par surcroît, il n’était que trop permis de concevoir d’autres inquiétudes. La reine Sophie était morte, ayant appris en sa vie bien des choses et compris bien des hommes, mais sans avoir appris à comprendre son mari. Abandonné aux instincts de sa nature, aux forces déchaînées qui le poussaient, vieux déjà et tout d’un mouvement, on pouvait craindre qu’il ne se compromît en des aventures où il ne s’engagerait pas seul. D’un commun accord entre les partis, on eut alors l’idée d’introduire dans l’adresse une phrase par laquelle les États-Généraux pressaient le Roi de se remarier et d’assurer la perpétuité de la dynastie. Le ministre Kappeyne se mit en quête d’une reine parmi ces