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crénelés en briques recouvrant de la terre battue ; le sommet, dallé, forme un chemin de 3m,50 de largeur environ ; la hauteur varie, suivant les irrégularités du terrain, de 4 à 6 mètres ; des tours carrées deux fois plus élevées, munies aussi de créneaux ainsi que d’embrasures, se dressent fréquemment, tous les cent mètres, m’a-t-il paru. Beaucoup moins imposante que l’enceinte de Pékin, il ne semble pas que la Grande Muraille mérite les railleries dont elle a été l’objet. Contre des assaillans ne disposant pas d’artillerie, contre des cavaliers comme les Mongols et les Tartares, c’était une défense des plus sérieuses et, s’ils l’ont franchie quelquefois, elle a plus souvent encore arrêté leurs invasions. Bien que ne servant plus depuis l’établissement de la dynastie actuelle, qui est elle-même tartare, elle est restée, grâce au soin avec lequel elle avait été entretenue jusqu’à son avènement, un des monumens les mieux conservés de la Chine.

Il n’en est pas de même de la plupart des temples qui parsèment les collines, au milieu de beaux bosquets d’arbres verts tranchant sur le ton gris des hauteurs dénudées et incultes, comme le sont en Chine tous les endroits accidentés : agglomérés dans les plaines et s’y serrant à un degré inconnu en Europe, les hommes d’Extrême-Orient laissent les régions montagneuses entièrement désertes. On est bien reçu dans ces temples des environs de Pékin, dont quelques-uns servent de résidence d’été à des diplomates européens, fatigués d’être enfermés dans la ville, dont les miasmes pénètrent dans la saison chaude jusqu’aux légations, en dépit des parcs qui les entourent. Certains ne comprennent que des édifices de bois, les logemens pour les bonzes, entourant les cours où se trouvent les sanctuaires aussi bien que ces sanctuaires eux-mêmes. Cet emploi du bois, si général en Extrême-Orient, n’exclut ni le luxe ni l’art : les temples japonais de Nikko et bien d’autres, merveilles de richesse et de beauté, sont entièrement en bois ; mais de pareils édifices, s’ils ne sont soigneusement entretenus, se délabrent très vite et c’est à ce délabrement qu’on assiste ici. Toute l’accumulation de Bouddhas dorés, souvent de grandeur naturelle, qu’on vous présente toujours au nombre de plusieurs dizaines, voire de plusieurs centaines, en vous faisant remarquer soigneusement qu’il ne s’en trouve pas deux exactement pareils, ces autres Bouddhas géans, accroupis ou couchés, ces monstres trois fois plus grands que nature, peints de couleurs vives, au rictus horrible et aux gestes féroces, qui gardent l’entrée des temples, cet