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« mes places, mes troupes. » A quoi tout cela lui avait-il servi ? L’enfant taciturne n’avait eu qu’à laisser faire.

Il n’y avait décidément, dans le royaume, d’autre appui, d’autre abri et d’autre refuge que la volonté du Roi ; et l’évêque, enragé de son erreur, allait se répétant, dès lors, la phrase qu’on trouvera si souvent désormais sous sa plume ou dans sa bouche, « que c’est cracher contre le ciel que de prétendre s’opposer à ces volontés souveraines. »

Ce qui est vraiment remarquable, c’est que, du fond d’une telle chute, il ne désespéra pas, il ne s’abandonna pas un seul instant. Voilà bien l’ambitieux. Sur l’heure même, sur la minute du coup, déjà, il prend position pour l’avenir, il calcule ses chances de retour et, déjà aussi, il change ses batteries. De telles dispositions font, il faut le reconnaître, des vies extraordinairement intéressantes et occupées. Tout le monde, autour de lui, se désespère et pleure. Il calcule, combine et négocie.

Avant même de quitter Paris, sa direction nouvelle était prise. Il ne résisterait. pas ; il ne s’entêterait pas. Le Roi l’emportait : Vive le Roi !

Mais comment dissiper les méfiances de cet enfant morose que de si dangereux rivaux entouraient ? C’était là précisément le nœud délicat, celui que, malgré toute son application, l’ambitieux, compromis dans un autre parti, ne parvenait pas à débrouiller. Se soumettre entièrement à la fortune des nouveaux venus, c’était difficile et de dignité douteuse. Mais par quelle autre voie parvenir auprès du Roi, puisque ces gens-là tenaient toutes les avenues ?

Même avant la catastrophe, l’évêque avait essayé d’un rapprochement. Ses relations avec Luynes étaient suspectes au maréchal d’Ancre. Son beau-frère Pontcourlay servait d’intermédiaire. Luynes avait bien compris qu’il y avait là quelqu’un à ménager. Mais Luynes ménageait tout le monde. Il avait payé la démarche d’un sourire et s’était passé de l’évêque pour l’exécution du dos-sein secret. Et quand celui-ci était accouru, au bruit de la mort du maréchal, il avait trouvé le roi sur le billard, entouré de ses gentilshommes, peu disposé à prêter l’oreille aux explications et aux complimens.

Au Conseil, pis encore. Il avait bien fallu se rendre à l’évidence : on ne voulait pas de lui ! Quelques démarches vaguement faites auprès du nonce, pour obtenir l’ambassade de Rome, n’avaient