Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/640

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
636
REVUE DES DEUX MONDES

affectent une exagération blâmable ; il est républicain ! Et M. le maire n’entend pas que son neveu le compromette ! M. Louis Leconte signale encore une « prétendue myopie » qui lui paraît être de l’affectation et de la pose ; il se plaint d’achats excessifs de livres, de dépenses exagérées de toilette ; il signale enfin certains déportemens de ce jeune homme qui n’est pas du tout « la demoiselle » annoncée.

La surprise des parens de Charles fut grande. Sa conduite jusqu’à son départ avait toujours été si pure, le mot est souligné dans la lettre ; son caractère était « si égal ; » il s’était toujours montré « si poli avec tout le monde, qu’ils en étaient littéralement tombés des nues. » Les compagnons de voyage de Charles avaient tous « chanté ses louanges ; » c’était à qui des passagers, — le capitaine le leur avait écrit, — aurait vanté sa douceur et son affabilité. « Je n’en reviens pas, je m’y perds, écrit M. Leconte de Lisle. Quant à sa timidité, ou plutôt son caractère froid et réservé, cela lui est naturel. Il est peu communicatif, peu causeur ; la nature l’a fait ainsi ; le temps, les femmes, la société, le changeront peut-être. « Pour ses opinions politiques, il n’a péché que par trop de franchise avec son oncle ; il a cru pouvoir « s’exprimer avec celui qui lui tient lieu de père, » comme il le faisait avec son père à Bourbon. Non pas que son père soit responsable de ses idées ! Il ne les lui a pas plus données « de cette espèce que les professeurs de l’École polytechnique et de tous les collèges royaux de France n’en avaient inculqué de semblables à tous les jeunes gens. Cette exaltation de pensée tient à sa jeune organisation ; les idées religieuses prennent chez lui une teinte plus forte parce qu’il sait mieux soutenir son paradoxe. Certes, il ne prétend pas défendre les exagérations de son fils ; cela serait impardonnable à son âge ; mais il veut plaider la cause de son enfant, » pour lui conserver l’affection de son oncle. D’ailleurs, il pense qu’avec les années, tout cela s’atténuera. « Les temps et les bons conseils viendront facilement à bout de son républicanisme[1]. »

Il est clair qu’en défendant son fils, M. Leconte de l’Isle veut éviter surtout de froisser son sévère cousin ; il n’ajoute foi qu’à

  1. M. Leconte de l’Isle, on le voit, croyait peu à la durée des opinions républicaines de son fils, et n’admettait qu’à demi la sincérité de ses croyances religieuses d’alors ; il est bon de noter pourtant qu’il n’avait pas élevé Charles, comme on l’a dit, dans la haine du catholicisme, ou dans son ignorance, comme on l’a prétendu aussi jusqu’à affirmer que Charles n’avait pas fait sa première communion.