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que ce soit chose beaucoup plus périlleuse d’être commis à la discrétion d’un peuple qui s’imagine quelquefois être maltraité, et qui est une bête à plusieurs têtes qui suit d’ordinaire ses passions, qu’à la correction d’un père plein d’amour pour ses enfans… Depuis que vos erreurs ont été introduites dans le monde par Luther et Calvin, vous n’avez laissé passer aucune occasion où vous avez pu user de votre pouvoir prétendu sans l’avoir fait. Vous avez mis des armées sur pied contre Charles-Quint… Vous avez pris les armes contre trois rois de France : François II, Charles IX et Henri III… » Et, après une longue énumération, ce coup de massue sur la tête des bons ministres qui, s’adressant au Roi, avaient vanté leur fidélité aux princes : « Quiconque lira les histoires, qui vérifient ce que je dis, verra, qu’après un siècle, vous avez troublé deux Empereurs, dépouillé actuellement un Roi, exclu un autre de son royaume, déposé une reine, fait la guerre à une autre pour la priver de sa couronne, pris les armes contre quatre rois, déposé d’autres princes temporels, fait mourir un Roi, rendu captive une reine vertueuse et sage, laquelle en violant les lois divines et humaines, vous avez fait mourir par un genre de mort du tout inhumain et digne de pitié. »

La thèse, comme on le voit, tourne, de plus en plus, à la politique ou plutôt à la philosophie sociale : c’est, encore une fois, la question de la discipline, de la tradition, de l’ordre humain, dans l’ordre ecclésiastique et divin, qui va planant sur ces pages vivantes où l’un des esprits les plus clairs et les plus hauts qui aient touché à ces matières s’échauffe au feu d’une discussion communicative. Il en veut à la Réforme et, comme il dit, il la hait d’avoir détruit le bel idéal d’unité qu’avait conçu le moyen âge, d’avoir déchiré la robe sans couture. « La Religion prétendue réformée est digne de haine, parce qu’elle fait schisme en l’Eglise. » C’est là son grand point. Cet homme est l’Unité incarnée. C’est un Français, un Romain, un Latin. Il aspire à l’ordre social et à la discipline. Il ne comprend pas qu’on puisse marchander l’obéissance à la volonté suprême qui dicte la loi.

C’est par-là qu’il termine. S’efforçant d’arracher ses derniers voiles à la pensée de Luther et de Calvin, il renouvelle l’éternel procès de la communauté hiérarchisée contre l’individu indépendant ou révolté. Il cite d’abord : « Ni le pape, ni l’évêque, ni aucun homme, a dit Luther, n’a pouvoir d’obliger le chrétien à une syllabe, si ce n’est de son consentement… Je vois, dit-il au