Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/826

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la conception jacobine qui prétendait tout diviser géométriquement et mathématiquement, sans tenir compte, des affinités ni des liens sociaux ; mais, comme on ne peut plus songer à les supprimer, il serait temps d’organiser ces forces nouvelles qui pèseront bientôt sur l’avenir politique. Depuis longtemps déjà, des esprits clairvoyans ont signalé cette préoccupation des travailleurs, d’assurer autrement que par le mécanisme actuel du suffrage universel la représentation de leurs intérêts les plus immédiats ; mais les politiciens n’ont point encore daigné prendre en considération ni les projets de réforme sociale de M. Le Play et du marquis de La Tour du Pin, ni les études de M. Charles Benoist sur la nécessité de donner de nouvelles bases au régime représentatif en modifiant notre système électoral[1].

Ce qui nous paraît ressortir de cette grève, c’est qu’il est temps de se mettre à l’œuvre, et de faire les affaires du peuple, ou de l’aider à les faire, s’il lui est difficile, dans l’état actuel de la société, de les faire lui-même, et s’il est bien démontré qu’il ne pourrait l’essayer, en cette fin de siècle, qu’à son pire détriment, d’abord, et, ensuite, au risque des pires convulsions sociales. La liberté, qui est la condition nécessaire de tout, ne saurait suffire à rien, et le rôle de l’État n’est pas de travailler à vide, mais de pourvoir à l’organisation, au maintien et au progrès de la solidarité sociale.


CHARLES LE COUR GRANDMAISON.

  1. Voyez, sur cette question de l’Organisation du suffrage universel, la Revue des 1er juillet, 15 août, 15 octobre, 15 décembre 1895 et 1er avril, 1er juin, 1er août et 1er décembre 1896.