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d’horlogerie compliqué, délicat et coûteux des régulateurs. L’invention de la bougie Jablochkoff eut un grand retentissement en 1876. On peut dire que Gramme, Jablochkoff et Edison ont été les véritables initiateurs de l’éclairage électrique.

La bougie Jablochkoff peut être citée comme pendant à l’anecdote célèbre de Christophe Colomb. Alors que de nombreux ingénieurs s’efforçaient de réaliser des mécanismes compliqués pour opérer le rapprochement des pointes de charbon au fur et à mesure de leur usure, Jablochkoff eut l’idée de les juxtaposer parallèlement en les séparant par une matière isolante qui oblige le courant à remonter aux extrémités des charbons. Ceux-ci étant parallèles, l’arc a toujours la même longueur, à la condition que l’usure de chacun soit exactement la même, ce qui nécessite l’emploi des courans alternatifs. Avec les courans directs, le charbon positif s’usant deux fois plus vite que le charbon négatif, la bougie Jablochkoff aurait exigé l’usage de deux charbons de diamètres inégaux, ce qui aurait nui à la simplicité qui est la caractéristique du système.

La bougie Jablochkoff a eu son heure de vogue, et celui qui l’inventa, son heure de célébrité. On se rappelle l’éclat dont elle brilla sur l’avenue de l’Opéra au moment de l’exposition de 1878. Elle a suscité de nombreuses imitations et, en même temps, elle a stimulé l’ingéniosité des partisans des lampes à arc : les mécanismes en ont été simplifiés, et avec elles on a fini par résoudre le problème de la division de la lumière électrique.

Mais l’invention des lampes à incandescence a porté un coup fatal à la bougie Jablochkoff. Cette invention, dont Edison a eu le bénéfice moral et matériel, bien que l’idée ne soit pas de lui, est fondée sur la propriété qu’ont les corps faiblement conducteurs, tels que le charbon, de s’échauffer et de devenir incandescens lorsqu’ils sont traversés par un courant électrique. Mais le charbon incandescent brûle et se consume au contact de l’air. Pour assurer aux lampes une certaine durée, il fallait donc soustraire le filament de charbon traversé par le courant au contact de l’air. C’est ainsi qu’on a été conduit à enfermer ce filament dans une ampoule de verre dans laquelle on a préalablement fait le vide. Tout le monde est familiarisé avec la vue de ces petits globes lumineux, dont l’allumage se fait en tournant un simple bouton. Ils donnent un éclat très vif, mais non blafard, comme celui des lampes à arc ; ils ne chauffent ni ne vicient l’atmosphère. Aussi