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RICHELIEU A AVIGNON[1]


I. — L’EXIL

Dans la lettre par laquelle le Roi donnait à Richelieu l’ordre de se rendre à Avignon[2], il était allégué comme motifs : « les fréquentes visites et assemblées, allées et venues de diverses personnes qui se font aux lieux où vous êtes et dont plusieurs de nos sujets prennent ombrage et défiance. » On lui faisait le reproche, en un mot, d’être un artisan d’intrigues. Il est difficile aux hommes qui ont été dans les affaires d’échapper à ce genre d’accusation. Richelieu, se sentant victime de cette délation ambiante qui enveloppe spontanément ceux qui sont craints, s’inclina : « Sire, écrivait-il au Roi, je partirai précisément après-demain pour satisfaire au commandement qu’il plaît à V. M. me faire m’en aller en Avignon. » Quant aux menées dont on l’accuse, il demande simplement qu’on fasse une enquête « et qu’on envoie quelqu’un sur les lieux, dépouillé de passion, pour prendre connaissance de la vérité. » Demande inutile et qui ne pouvait avoir de suite. On ne cherchait pas à savoir s’il avait raison, mais bien à lui trouver des torts.

Il partit donc. Le voyage de Luçon à Avignon, en cette fin d’hiver, par des chemins affreux, fut long et pénible. Le 12 mai, près d’un mois après, son secrétaire, Le Masle, louait à un sieur Jacques de Beaumont, chanoine de l’Église collégiale de Saint-Pierre d’Avignon, moyennant la somme de 700 livres, un hôtel situé dans un quartier assez isolé, proche du couvent des Minimes.

  1. Voyez la Revue des 1er novembre et 15 décembre 1898.
  2. Je dois remercier, tout particulièrement, M. Duhamel, archiviste de Vaucluse, qui a bien voulu me remettre le manuscrit d’un travail inédit, où il a étudié le séjour de Richelieu à Avignon. Cette obligeante communication m’a été d’un grand secours