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peine à comprendre. Les personnages étant presque toujours sur la même ligne et souvent fort éloignés les uns des autres, on peut aisément supposer qu’ils ne s’aperçoivent pas et admettre qu’ils parlent sans savoir qu’ils sont entendus. Le père de famille sort de sa maison, fort irrité d’un tour que son fils et son esclave lui ont joué et ruminant sa vengeance, et pendant ce temps, réfugiés à l’une des extrémités du pulpitum, l’esclave et le fils, qui ne perdent pas un mot de ses menaces, s’amusent de sa colère bavarde et prennent leurs précautions pour y échapper.

Comment les décors étaient-ils disposés sur la scène, et même y avait-il des décors ? À Orange, la grande muraille du fond, merveilleusement ornée de colonnes et de statues, semble bien avoir été une sorte de décor permanent qui servait pour toutes les pièces. Mais elle est d’un temps où les tragédies et les comédies ne paraissaient plus que par exception au théâtre ; on n’y représentait guère que le mime et la pantomime. À une autre époque, Vitruve distinguait trois sortes de décorations différentes, selon le caractère des pièces : des palais pour la tragédie ; pour la comédie, des maisons particulières avec des terrasses et des fenêtres qui laissent entrevoir ces fausses perspectives dont l’Italie n’a pas perdu le goût ; des sites rustiques, des arbres et des grottes pour le drame satyrique. Du temps de Plaute, la mise en scène devait être plus simple. La seule indication certaine que nous donnent ses pièces, c’est que, vers le fond du théâtre, contre la coulisse, il devait se trouver une maison ou deux, contiguës ou séparées, dont les portes s’ouvraient pour laisser sortir certains personnages, tandis que d’autres étaient censés venir du dehors par les portes du fond.

La maison donnait sur une place publique ou sur une rue, mais une rue d’une espèce particulière, où personne ne passera pendant toute la durée de la comédie. Les personnages y sont tout à fait à leur aise ; ils y parlent et y agissent comme s’ils étaient chez eux, tant ils paraissent sûrs qu’il ne surviendra pas d’importun. Les esclaves viennent y machiner leurs complots, les maris y caressent leurs maîtresses, sans aucune crainte d’être surpris. Dans la Mostellaria, une jeune fille, qui sort du bain, achève de faire sa toilette devant sa porte. Dans l’Asinaria, un vieillard qui veut s’amuser fait dresser une table en plein air, devant sa maison, et s’y place entre son fils et une courtisane, qu’il embrasse de temps en temps, à la grande joie des spectateurs. C’est dans la