Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brochure qui parut à Saint-Etienne, dans l’été de 1895[1], à la suite du Congrès des Loges de l’Est. M. Chandioux, député de la Nièvre, et quelques-uns de ses frères recommandaient dans cette brochure, avec une insistance anxieuse, la concentration à gauche; et c’est sous l’impression de cette publication, que s’ouvrit le convent de 1895. Il fut, nous dit M. Dequaire, « le convent de la doctrine. » M. Delpech, alors professeur au collège de Foix, et plus tard sénateur de l’Ariège, en était l’orateur : son discours, synthèse de la « doctrine. » fut un long tressaillement d’angoisse et d’effroi; Velasquez, Sanchez, Gury, Thomas d’Aquin, le « sacré cœur de Marie Alacoque » furent tour à tour flétris avec emportement ; le christianisme fut accusé de « banqueroute frauduleuse » et l’Ecole normale supérieure de cléricalisme ; l’anathème fut jeté contre cette « cohue de Jésuites, de revenans des temps passés et de décadens fin de siècle, associés pour des intérêts divers dans une action commune contre la civilisation ; » et l’orateur frissonnait d’un tremblement incurable en discernant, parmi cette cohue, un « peuple de moines microcéphales, » et, tout en tête, le « maître Jacques qui joue à Rome le Père éternel: » M. Delpech désignait ainsi Léon XIII. « Voix et verbe » de ses frères, il poursuivait en invitant les maçons à « veiller jusqu’au jour où les ministères, les administrations diverses, les armées de terre et de mer, seraient dégagés de toute influence papaline et jésuitique, » et en prophétisant que, ce jour-là, la maçonnerie monterait à Montmartre, y proclamerait « la déchéance définitive du Pape et dresserait, sur le parvis de la basilique, un monument dédié à toutes les victimes des fanatismes religieux[2]. »

Avec une vue plus courte, mais plus efficace, M. Blatin signifiait, au même convent, que la France avait « un gouvernement réactionnaire appuyé sur une majorité dont les doctrines, les tendances, l’orientation n’ont absolument rien de conforme avec les doctrines et l’orientation de la maçonnerie. » C’est surtout à M. le général Zurlinden, ministre de la Guerre, que s’appliquaient

  1. Saint-Etienne : impr. du Stéphanois, 1895.
  2. B. G. O., août-sept. 1895, p. 357-368. Il ne faudrait point voir dans cette prophétie une simple hyperbole oratoire, mais plutôt l’expression imagée d’un certain plan maçonnique, qu’indiquait dès l’an 1883 M. Blatin, « orateur » du convent : « Dans ces édifices élevés de toutes parts, depuis des siècles, aux superstitions religieuses et aux suprématies sacerdotales, nous serons peut-être appelés, à notre tour, à prêcher nos doctrines et, au lieu de psalmodies cléricales qui y résonnent encore, ce seront les maillets, les batteries et les acclamations de notre ordre qui en feront retentir les larges voûtes et les vastes piliers. » (B. G. O., sept. 1S83, p. 645.)