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était claire pour tous; mais, pour quelques-uns, la question du socialisme conservait beaucoup d’obscurités. La crânerie de M. Lucipia, de M. Dequaire, de quelques autres encore, acheva de combler le fossé qui séparait encore le radicalisme maçonnique et le socialisme. On se rappelait, d’ailleurs, le discours de M. Dequaire, en 1893, sur la tombe de Benoît Malon : socialisme et maçonnerie y étaient identifiés[1]. Et n’est-ce pas M. Lucipia qui, en 1894 et 1895, avait insisté pour que le convent, docile d’ailleurs à l’exemple du Congrès des Loges du Centre[2], envoyât une obole aux mineurs de Graissessac, aux mineurs de Carmaux, aux corsetières de Limoges[3]? Il était possible, en 1897, de faire un pas de plus : le convent, par une demi-surprise, imposa aux candidats qui désireraient le soutien des loges la promesse de voter, au Palais-Bourbon, « toutes les lois socialistes et ouvrières[4]; » et puis on rassura les vieilles troupes, enlizées encore dans un certain « opportunisme, » en substituant à cette première formule une formule plus vague et d’un aspect moins révolutionnaire. Le vote, néanmoins, demeurait significatif; et, dans cette assemblée secrète, les armes s’affinèrent pour la mêlée publique, en faveur des candidats de l’extrême gauche, socialistes inclus.

Elle furent brandies, en 1898, d’un bout à l’autre de la France, contre « cette horde de perfides et de travestis que Victor Hugo, prophète, appelait l’immensité des Poux[5] ; » et grâce aux dépenses, « beaucoup plus grandes que les années précédentes[6], » qu’avait faites la commission de propagande, la maçonnerie, « non pas officiellement, mais d’une manière effective néanmoins, descendit partout dans l’arène[7]. » M. Massé, député radical de la Nièvre, a dit, au convent de 1898, l’occulte héroïsme de ses frères : rapporteur de la commission de propagande, nul n’était mieux qualifié pour parler avec exactitude et conclure avec vaillance. « Ne nous endormons pas sur des lauriers éphémères, s’écria-t-il ; fêtons la victoire d’hier en nous préparant aux luttes de demain, et que, dans la paix comme dans la guerre, notre mot

  1. B. G. O., août-sept. 1893, p. 593 et suiv.
  2. Revue maçonnique, juin 1895, p. 133.
  3. B. G. O., août-sept. 1894, p. 385; août-sept. 1895, p. 192-196.
  4. C. R. G. O., 20-25 sept. 1897, p. 234-239.
  5. Discours de M. Viguier, conseiller municipal de Paris et membre du Conseil de l’ordre, aux obsèques du F.-. Lartigue (20 juin 1898).
  6. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 273.
  7. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 275-276.