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il suivait, sauf à nous lancer quelque coup de patte dans ses carnets, et à s’attribuer in partibvus devant lui-même l’importance que nous ne lui accordions pas.


II

L’imminence de la guerre d’Italie promettait un intérêt particulier à la session de 1859, la première à laquelle les Cinq allaient assister. La majorité était inquiète, mécontente de ce qui se préparait : elle le marqua en accueillant par un silence glacial les passages belliqueux du discours impérial, puis par l’approbation chaleureuse donnée aux paroles rassurantes et pacifiques de Morny; et enfin, par l’exclusion de la présidence des bureaux de tous les anciens militaires et des personnages particulièrement attachés à la Cour. Certainement, si le régime parlementaire eût existé alors, on eut renversé le ministère qui aurait proposé une guerre en Italie.

Le 26 avril, le ministre des Affaires étrangères, Walewski, introduit avec le cérémonial d’usage, prit place au banc des commissaires du gouvernement, lut un exposé des négociations, et Baroche déposa deux projets de loi, l’un élevant l’appel sur la classe de 1858 de 100 000 hommes à 140 000, l’autre un projet d’emprunt de 500 millions. Morny prononça quelques mots pour rassurer la Chambre : « La guerre sera localisée et limitée, surtout si les autres puissances allemandes ont la sagesse de comprendre qu’il n’y a là qu’une question purement italienne, qui ne cache aucun projet de conquête et ne peut enfanter aucune révolution. » Il se fit encore nommer rapporteur du premier projet de loi et déposa son rapport le jour même, après une interruption de séance d’une heure.

Nous voilà en demeure de nous prononcer. Il n’était pas possible de ne point nous expliquer. La majorité seule pouvait se réduire au rôle du chœur antique qui répète les paroles de l’acteur. Nous n’arrivâmes pas aisément à nous mettre d’accord. Jules Favre voulait voter pour, Hénon contre; j ‘étais perplexe. J’aimais d’un amour d’enfance cette Italie sur les rivages de laquelle ma mère avait ouvert les yeux pendant l’émigration; j’admirais son génie, sa langue, sa littérature; mon imagination vivait dans l’art de la Renaissance. Je connaissais presque tous les Italiens éminens; Mazzini avait été l’hôte de mon père à Marseille; mon