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Tous, ici, sont à toi ; tous feront leur devoir ;
Demain nous chasserons l’Anglais de sa Tournelle.
Ce soir, tu n’en peux plus, repose-toi ce soir.

Mon modeste logis te désire et t’appelle,
Et ma femme, humblement, déliera, près d’ici,
La cuirasse poudreuse où ta sueur ruisselle. »

Jeanne vers le vieillard se pencha: « Grand merci,
Mon père ! Il est bien vrai que ce harnais me broie
Depuis trois nuits qu’on dort sur le guéret durci ;

Mais le corps peut gémir lorsque l’âme est en joie.
Messire Dieu, d’abord, veut être visité,
Puisque c’est lui qui mène et qui m’ouvre la voie :

À Sainte-Croix! » Le cri s’est vite répété,
Et, comme un fleuve plein dont la digue se brise,
La cohue, à travers les plis de la cité,

S’écoule et s’en va battre aux marches de l’église.
Ah! lorsqu’elle apparut, droite, sous le portail,
Dans le nimbe enflammé des torches qu’on attise,

De mine douce, ainsi qu’une agnelle au bercail,
Fièrement appuyée à sa bannière peinte,
Tous reconnurent bien l’Archange du vitrail,

Le beau guerrier avec son visage de sainte :
La Foi se réveilla dans les cœurs raffermis.
Lorsqu’elle descendit, gravement, de l’enceinte,

Cheminant à grand’peine entre les fronts soumis,
Pas un œil qui ne soit humide, et ne la suive
Vers le repos tardif à son labeur promis.