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Qu’Heaumette s’éveilla d’abord à ce babil,
Et tandis que dormait Jeanne, encore brisée,
Descendit l’escalier, pieds nus, vers le courtil,

Pour lui faire un bouquet marchant dans la rosée.
merveille! Durant la nuit, un lys joyeux,
Tout emperlé, comme une robe d’épousée,

Un lys précoce, avec son cœur d’or radieux,
S’était dressé, superbe, au détour d’une allée,
Et son parfum montait, comme une gloire, aux cieux !

Heaumette le cueillit, frémissante et troublée,
Remonta vite, et quand la Lorraine, en sursaut,
Se dressa sur sa couche, au devoir rappelée

Par tous les cliquetis précurseurs de l’assaut,
Fers aiguisés, canons traînés, chevaux qu’on ferre,
Honteuse d’être prise une fois en défaut,

Elle aperçut, pareille, en la fraîche lumière,
À l’Ange du salut sur la porte gravé,
La fillette, à genoux, achevant sa prière,

Qui lui tendait aussi, de son bras haut levé,
La fleur de la Victoire et de la Délivrance,
En répétant tout bas : « Ave, Marie, Ave ! »

La guerrière, d’un bond, sur ses armes s’élance,
Et relevant l’enfant douce, d’un geste prompt,
Haletante, le sein tout battant d’espérance :

« Je ne suis pas Marie, et c’est lui faire affront
De s’incliner devant sa chambrière indigne!
Pourtant la même fleur de vierge est à mon front,

Et, comme elle, c’est Dieu qui m’appelle et désigne
Pour une œuvre plus humble, au prix de tout mon sang :
J’en accepte la peine, et l’honneur et le signe ! »