Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troupes de la Marine entrent dans la composition de notre armée continentale mobilisée, et ces troupes ont à constituer un 21e corps d’armée, formé d’après les règles qui président à l’organisation des vingt corps de l’armée de terre.

Ainsi, nos corps de troupes de la Marine ont un triple rôle à remplir : conquête et garde des colonies, défense des côtes, participation à la défense des frontières terrestres. Il est malaisé de trouver une organisation unique qui s’adapte à ces trois fonctions, dont la première ne ressemble en rien aux deux autres : c’est certainement une des causes qui rendent le recrutement de l’armée coloniale si difficile. Lorsque, au mois d’octobre dernier, les événemens politiques ont obligé les pouvoirs publics à se préoccuper de la défense du littoral, le ministre de la Marine a fait appel à l’armée de terre pour combler les vides existant dans les cadres de l’infanterie et de l’artillerie de marine; mais, comme il ne s’agissait pas d’aller outre mer, cet appel comportait des restrictions : les volontaires qui se présentaient étaient en principe affectés à la portion principale du corps, en France, et, s’ils sont plus tard envoyés aux colonies, ce ne sera que sur une demande expresse de leur part; en revanche, ces hommes n’ont droit à aucun des avantages concédés aux militaires de l’armée coloniale par la loi d’organisation du 30 juillet 1893 et le décret du 4 août 1894.

Nos corps dits coloniaux comprennent donc aujourd’hui deux catégories de soldats : les uns pouvant être embarqués à n’importe quel moment pour les colonies, les autres ne devant pas y être envoyés. Singulières troupes coloniales !

Cependant elles existent déjà de fait, ces troupes ; maintes fois elles ont fait leurs preuves et rendu à la patrie des services inappréciables. Elles ont beau n’être régies à peu près uniquement que par des décrets, elles ont beau être tiraillées en tout temps par trois ministères différens et n’avoir ni direction, ni but défini : elles vivent et ne demandent qu’à s’affirmer, grâce au courant si marqué qui porte encore vers les entreprises coloniales les élémens les plus énergiques et les plus aventureux de l’armée et de la nation. « Le genre de vie auquel sont soumis ces élémens développe l’initiative et augmente l’esprit militaire, dans ce qu’il a de plus libre et de plus hardi, chez des hommes naturellement préparés, par les aptitudes qui ont dicté leur choix, à cette sorte d’entraînement. » Tel est, disait M. Cavaignac, dans son projet