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qui ont pour principaux ennemis la fièvre et les privations, à perdre de vue les préceptes de la grande guerre; ils y oublieront, en tout cas, les difficultés de tout genre que présente le maniement des multitudes qui se heurteront dans les guerres futures en Europe. Aussi sommes-nous fermement convaincus que, si, d’une part, l’intérêt de l’armée exige que beaucoup de nos officiers passent, à leur début dans la carrière, quelques années dans l’existence coloniale, d’autre part, ces mêmes officiers ne doivent pas s’y éterniser ; il faut surtout que ceux qui se sont distingués aux colonies viennent reprendre dans la métropole les habitudes des armées européennes contemporaines; et il faut qu’ils reparaissent en France avant d’être usés par les fatigues du climat tropical.

Ce passage alternatif du service colonial au service métropolitain ne s’effectuera dans de bonnes conditions, pour les individus comme pour l’Etat, que lorsque les troupes coloniales seront rattachées au ministère de la Guerre.

Une autre raison fort importante, et que jusqu’à présent on a peu fait valoir, milite avec non moins de force en faveur de ce rattachement. Une armée, qu’elle opère en Asie ou en Europe, ne comprend pas seulement des combattans; il lui faut des services auxiliaires, d’autant mieux organisés qu’elle est plus loin des ressources de la métropole. Or, comme le fait si justement remarquer M. Bazille dans son projet de loi, lorsque l’on étudie notre organisation militaire actuelle des pays outre-mer, on est frappé du désordre qui règne dans les services auxiliaires, et on se demande comment nos soldats ont pu accomplir leur mission de conquête, sans être mieux secondés par les services pourvoyeurs. La Marine n’a pas, en effet, un personnel suffisant pour cette tâche, tandis que la Guerre, que les campagnes d’Afrique ont toujours obligée à entretenir sur un grand pied les services non combattans, a les fonctionnaires, les officiers et les hommes de troupe nécessaires. En outre, le personnel militaire, ainsi employé dans les colonies, y accroîtra, par une pratique constante, sa valeur professionnelle.

Comment se fait-il qu’en dépit de tous ces avantages, les projets fondés sur le rattachement à la Guerre aient, jusqu’à présent tous échoué? Ils ont été, le plus souvent, combattus par des officiers généraux de la Marine ; habitués à voir dans les troupes de la Marine le noyau principal de la défense des arsenaux, et