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Patrie française d’un œil défavorable. » Il était impossible de mieux parler, d’exposer la situation vraie avec des traits plus justes, et de faire comprendre plus adroitement que le plus sûr moyen, pour une association, de continuer de vivre, était encore de ne pas en solliciter l’autorisation. Le gouvernement, en effet, peut ignorer une association qui ne lui demande rien, mais, le jour où elle lui demande quelque chose, cela lui devient plus difficile. Sur un point seulement, il y a eu quelque chose à reprendre dans l’excellente consultation de M. Blanc : lorsqu’il a parlé de l’embarras que pourrait éprouver le gouvernement entre des Ligues diverses, s’il était tenté de laisser vivre les unes et de dissoudre les autres, M. le Préfet s’est fait évidemment quelques illusions. M. Dupuy ne s’embarrasse pas pour si peu de chose. Il a poursuivi, à la vérité, toutes les Ligues qui, nées de l’affaire Dreyfus, sont d’origine récente ; mais on lui a crié le nom de certaines autres, et il a paru ne pas l’entendre ; il a fait à leur égard la sourde oreille ; il a continué de les ignorer. Cette différence de traitement n’a paru le gêner en aucune manière, et rien ne prouve mieux l’exactitude de ce que nous avons dit, à savoir que les associations sont livrées aujourd’hui au bon plaisir du ministère, clément pour les unes et rigoureux pour les autres, suivant qu’elles plaisent ou qu’elle ne plaisent pas, ou encore qu’elles ne plaisent plus. Il résulte des explications de M. le Préfet de police que la Ligue de la Patrie française ne déplaisait pas à l’origine. On la regardait avec sympathie. On croyait qu’elle pouvait faire œuvre utile. Cette impression, qu’a eue M. Brunetière, a été confirmée par M. François Coppée dans des termes que nous aurions désirés encore plus explicites. M. Coppée n’a fait au tribunal qu’une demi-confidence, mais combien instructive ! Remontant par le souvenir le court chemin qui sépare la Boche tarpéienne du Capitole, il rappelait la complaisance que la Ligue avait d’abord rencontrée dans le monde officiel. Les adhésions venaient alors de tous les côtés. « On a répondu à notre appel, disait-il; on y a répondu avec enthousiasme. L’auteur de la loi de dessaisissement lui-même, — j’ai quelque raison de le croire, — nous regardait d’un œil favorable; et aujourd’hui nous mesurons l’ampleur de son ingratitude. » Il y a encore quelque tendresse rétrospective dans cette 5 plainte de M. Coppée : mais de pareils traits éclairent la situation.

Quelques personnes la trouvent excellente : effrayées et découragées par avance des difficultés que présente la rédaction d’une loi sur la liberté d’association, elles estiment plus sage de s’en tenir au régime actuel. On ne peut pas empêcher indistinctement toutes les associations