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jour et revenant autant à Versailles où je couche et où je retrouve mon cabinet sous ma main, sans distractions lorsque j’y suis. » Les heures qu’il passait ainsi dans son cabinet étaient assurément bien employées. Cependant il ne les consacrait pas exclusivement aux questions qu’il était de son devoir de prince de connaître, à l’examen des affaires qui devaient être soumises au Conseil des Dépêches, à la lecture de ces quarante-trois volumes de rapports des intendans dont nous avons déjà parlé, ou encore des projets de réforme financière qui lui arrivaient parfois sous la forme mystérieuse d’une lettre déposée sur son bureau. Il en profitait également pour s’adonner, avec une ardeur peut-être excessive, à certaines études, dont ses précepteurs avisés s’étaient efforcés de le détourner comme peu convenables à son rang-. Non seulement, il s’adonnait à la musique, mais il apprenait les règles de la composition. Il avait également le goût des sciences exactes. Il se remit avec passion à la géométrie dont, encore enfant, Malezieux lui avait appris les principes, ainsi qu’à la physique dont autrefois Fénelon cherchait à le détourner comme d’un écueil. Il s’appliquait aussi aux mathématiques et à l’astronomie. S’il faut en croire le Mercure, un peu suspect à la vérité de flatterie, il aurait poussé si loin ses études en ce genre qu’en 1706 il aurait découvert deux erreurs dans les calculs faits par les astronomes à l’occasion d’une éclipse de soleil[1].

Son cabinet était rempli d’instrumens de mathématiques, de plans des places fortes, de cartes de géographie. Non moins doué pour le dessin que pour la musique, il faisait des dessins à la plume qu’on aurait pris pour des estampes, et des levers de plan qui semblaient l’œuvre d’un ingénieur[2]. Quand il sortait de ce cabinet où il employait si sérieusement son temps, pour se rendre à Paris, ce n’était pas pour accompagner la duchesse de Bourgogne aux foires ou dans les magasins. C’était pour des visites plus dignes de son rang. Tantôt il se rendait à la Sorbonne et assistait à une soutenance de thèse « sur l’addition de la particule fîlioque au concile de Constantinople. » Tantôt il allait visiter le Jardin Royal, notre Jardin des Plantes d’aujourd’hui, où on lui faisait voir « plusieurs préparations toutes fraîches et entre autres un cerveau humain très proprement accommodé[3]. » Un autre jour,

  1. Mercure de France, mai 1706, p. 140 à 144.
  2. Spanheim, Relation de la Cour de France, p. 390.
  3. Mercure de France, août 1706, p. 128 à 131.