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de faire sauter le pont de San-Martino, deux des ponts du Naviglio, ceux de Buffalora et de Ponte Vecchio, de miner celui de Ponte Nuovo et d’établir une redoute sur celui du chemin de fer. Il préparerait ses troupes et leurs renforts au violent effort qu’il en attendait en leur accordant un jour complet de repos, le 4.

Si le plan eût été exécuté, Mac-Mahon et la Garde se fussent trouvés inopinément aux prises avec 142 320 hommes, 15 470 chevaux et 552 pièces, avant que nos corps de seconde ligne eussent eu le temps d’accourir. La Providence veillait alors sur nous. Les ordres de Giülay furent mal obéis ; le pont de San Martino ne sauta qu’à moitié, deux piles seulement s’affaissèrent sans s’écrouler, et il resta praticable aux fantassins et même à l’artillerie moyennant quelques réparations. Un envoyé de François-Joseph, le feld-maréchal de Hess, retint à l’étourdie, le long du Tessin, de Corbetta à Stradella, les corps qu’il eût fallu pousser au plus vite vers Magenta. Ainsi, et non par sa faute, Giülay n’eut pas sous la main l’ensemble de ses forces, mais seulement 57 470 hommes, 4 170 chevaux et 152 pièces. Sans ces bienheureux contretemps, nous étions probablement jetés dans le Naviglio Grande et le Tessin.


III

Le 2, au soir, la brigade Manèque, de la Garde, traversa le Tessin sur un pont de bateaux et le Naviglio sur le pont qu’on n’avait pas détruit ; elle s’établit à Turbigo ; le 3 dans l’après-midi, le 2e corps vint la rejoindre. Le Tessin passé, Mac-Mahon traverse Turbigo et exécute une reconnaissance vers Robechetto. Il monte sur le clocher ; à peine au sommet, il aperçoit une forte colonne autrichienne à cinq cents ou six cents mètres du village ; il descend quatre à quatre, galope vers ses troupes qui débouchaient de Turbigo, ordonne à La Motterouge de repousser les Autrichiens. Ceux-ci, embusqués derrière les clôtures des haies, accueillent la tête de nos colonnes par une fusillade nourrie. Les tirailleurs algériens, les turcos, sans répondre à ce feu, s’élancent dans les rues au pas de course, et en quinze minutes le village est évacué : leur teint basané, leurs sauts de panthère, leurs cris produisirent sur les Autrichiens un véritable effet de panique. Le 2e corps bivouaqua sur la rive gauche du