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maintien en Lombardie ; l’intérêt allemand ne commençait qu’au Mincio. Le régent de Prusse pensait comme les libéraux, sur la défense du Mincio ; comme eux, il admettait la nécessité d’abandonner les traités particuliers avec les princes italiens, d’opérer des réformes en Italie ; mais moins accommodant qu’eux sur la perte de la Lombardie, il considérait comme un intérêt de l’Allemagne, et par conséquent de la Prusse, de la conserver à l’Autriche. De même que pendant la guerre de Crimée on a accusé son frère de ne pas savoir ce qu’il voulait, on lui a reproché ses indécisions pendant la guerre d’Italie. Il n’en a eu aucune. Dès le premier moment il fut décidé à exiger de l’Autriche des réformes et l’abandon des traités particuliers, à imposer à la France, même par les armes, le respect des circonscriptions territoriales de 1815. Et il entendait remplir cette mission allemande de par son autorité propre de roi de Prusse, non comme délégué de la Confédération. Le chef de son ministère, le prince Antoine de Hohenzollern, animé des passions des petits États, l’excitait contre nous, bien que cela ne fût pas nécessaire. Au contraire, le ministre des Affaires étrangères, Schleinitz, le suivait à regret, s’efforçant de retenir, de différer. Bismarck se déclarait encore opposé à cette politique d’intervention contre nous : de Pétersbourg, où on l’avait relégué, il représentait que l’Autriche était l’ennemi inévitable, prochain, avec lequel il faudrait se mesurer bientôt ferro et igne ; qu’il faudrait assister avec satisfaction à son effondrement et ne pas l’empêcher. Mais son opinion alors ne comptait pas[1].

Le Régent, par plusieurs raisons, ne découvrit pas tout d’abord le dessein auquel il s’était arrêté. Il voulait attendre pour attaquer que l’Empereur, engagé à fond en Italie, ne pût lui opposer sur le Rhin qu’une résistance disproportionnée. Il l’a

  1. Schleinitz à Werther (14 juin 1859) : « Nous voulons que la guerre qui a éclaté en Italie ne conduise pas à un renversement de l’ordre de choses existant ; nous voulons, au contraire, obtenir le maintien des possessions territoriales de l’Autriche en Italie telles qu’elles ont été fixées par les traités de 1815 et rétablir la paix sur cette base. Rien ne nous fera dévier de ces réclamations. » — Circulaire de Schleinitz aux agens prussiens (24 juin 1859) : « Dans le cours des ouvertures réciproques que se sont faites les deux gouvernemens, le nôtre a répété d’une manière catégorique que l’intention de la Prusse, était d’agir pour le maintien des possessions de l’Autriche en Italie et qu’on se conduirait en conséquence dès que ces possessions seraient sérieusement menacées. » — Même circulaire : « Nous ne pouvons nous dissimuler qu’en suivant la politique que nous indiquons, la Prusse ne puisse cependant se mettre dans le cas d’avoir la guerre avec la France. »