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LES PAYSANS
AUX
SALONS DE 1899


I

Voici le dernier Salon du siècle. C’est peut-être aussi la fin de ce qui fut longtemps une solennité esthétique. L’usage de ces exhibitions pourra persister, mais rien ne subsistera plus de leur prestige, de leurs révélations, ni de leur utilité.

Les temps sont loin où « être reçu au Salon » constituait pour un artiste un titre propre à le distinguer des multitudes ! Lointaines sont les émotions de ces jeunes peintres apprenant avec d’indicibles élans de joie que leur tableau était admis au Louvre, au Palais-Royal ou aux Tuileries, et qui allaient regarder le mur de l’Orangerie, derrière lequel ils se figuraient leur toile accrochée ; lointaines les semaines passées sans dormir, malgré l’opium, malgré les bains, dans la fiévreuse attente du grand jour, — comme nous le décrit M. Jules Breton dans ses souvenirs ; lointaines, les colères que soulevaient les ostracismes du jury de l’Institut, — les résistances qui s’organisaient autour des immortels refusés : Rousseau, Delacroix, Marilhat, Paul Huet, Decamps, Corot, la lutte pour obtenir l’élection du jury par les peintres. Bien oubliées les plus récentes émotions de tant de générations d’artistes sous le grand hall du Palais de l’Industrie, les fièvres de la première visite au tableau exposé, et de la visite aux tableaux des concurrens, tout ce qu’on devine d’étranges sentimens dans ces lignes du Journal de Marie Bashkirtseffî : « Dimanche 30 avril 1882.