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POÉSIE

DANS UNE ÉGLISE DE VILLAGE


Le fin clocher du bourg, sur la côte normande,
De loin semble petit devant la mer si grande.
Il sert pourtant, debout dans le ciel sombre ou clair,
De signal aux marins en péril sur la mer.
Mais, ce matin, le flot bat doucement la plage.
Allons par là. L’église est au bout du village,
Et son ombre, au couchant, s’étend jusqu’au blé mûr.
J’ai suivi la ruelle où, séchant contre un mur,
Un filet suspendu répand son âpre arôme,
Et j’ai vu, par-dessus les épais toits de chaume,
Grandir le clocher gris, bien d’aplomb sur sa tour.
Et l’azur apparaître en ses trèfles à jour.
Il me montrait le ciel, la mystique patrie,
Et, de loin, il semblait me dire : « Viens et prie, »
Le gothique clocher qu’obsèdent les corbeaux.
J’ai suivi le sentier au milieu des tombeaux,
Où les pavots épars jettent leur pourpre vive,
Et, seul, dans la fraîcheur de la nef en ogive,
M’étant agenouillé dans l’un des bancs de bois,
J’ai fait avec respect le signe de la croix
Et j’ai prié.