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l’organisation de l’armée coloniale. On a dit qu’il y avait eu des séances agitées dans le Conseil des ministres lui-même, et que l’autorité de M. Charles Dupuy n’avait pas été assez grande pour y rétablir le calme et l’harmonie. Mais que n’a-t-on pas dit à ce propos ? Et si tout cela était vrai, que faudrait-il penser du ministère ? N’a-t-on pas raconté que, finalement, M. de Freycinet avait été autorisé à déposer un projet, et que M. Lockroy l’avait signé, mais que ce dernier s’était réservé la faculté de le combattre et que, devant la Chambre, chaque ministre soutiendrait librement son opinion ? Ce serait là le dernier mot des ministères de concentration, et on y viendra sans doute : que restera-t-il alors du gouvernement lui-même ? Est-ce que le gouvernement pourrait avoir autant d’opinions que le Cabinet compte de ministres, ou que ces ministres ont d’épaules ? Où cela conduirait-il ? On s’expliquerait aisément que M. de Freycinet eût pris la première porte ouverte pour sortir d’un ministère aussi éclectique. Mais en a-t-il été ainsi ? Nous n’oserions pas le dire. Cependant un fait est certain, et significatif, à savoir que M. de Freycinet avait été autorisé à déposer un projet de loi sur l’armée coloniale, et que, dès qu’il a eu donné sa démission, le projet a été réservé.

C’est peut-être pour donner à M. Camille Krantz le temps de l’examiner et de l’étudier à son tour ; mais M. Camille Krantz n’était-il pas ministre avant la crise ? N’a-t-il pas assisté aux discussions qui ont eu lieu dans le Conseil ? N’a-t-il pas déjà formé son opinion et pris son parti ? Il faut donc espérer que son arrivée au ministère de la Guerre n’aura pas pour conséquence de retarder encore le dépôt d’un projet qui est urgent, et depuis longtemps. Aucune des observations qui précèdent ne peut d’ailleurs s’appliquer à sa personne. Lorsqu’il a accepté le portefeuille de la Guerre dans les circonstances actuelles, M. Camille Krantz a certainement prévu quel écrasant fardeau il assumait ; il ne sera pas moins lourd sur ses épaules que sur celles de M. de Freycinet, qui se sont dérobées ; il le sera même plus, parce que le départ de M. de Freycinet, à quelque cause qu’on l’attribue, loin de simplifier la situation, l’a aggravée. Ce qui était difficile avant, le sera encore plus après. Et si par hasard M. de Freycinet a quitté le ministère parce qu’il a pressenti des exigences prochaines auxquelles il ne voulait pas céder, ces exigences n’en seront désormais que plus impérieuses et plus arrogantes. Mais, en tout cela, M. Camille Krantz n’a jusqu’ici aucune responsabilité personnelle. Il arrive neuf dans une situation vieille et comme surchargée de décombres. Sa