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savoir à la Reine le désir que vous avez de revenir auprès d’elle… On vous a prêté des charités. Vous savez trop le cours du monde pour ignorer combien on m’a voulu rendre de mauvais offices, tant auprès du Roi qu’auprès de la Reine sa mère… Cependant j’aurai à faveur de rencontrer les occasions de vous pouvoir témoigner par les effets que je suis votre très humble confrère et serviteur. » C’est sec ; et Cheverny se résigne à laisser la place de grand aumônier à l’ami de cœur de Richelieu, Bouthillier la Cochère.

Voici l’évêque de Béziers, Bonzy, le malencontreux ami de Ruccellai et de Tantucci, qui fait, à son tour, amende honorable. Comme les autres, il part, il quitte une Cour où il n’a plus que faire, « résolu de se détacher de tout ce qui peut, tant soit peu, ou aigrir le repos de son esprit ou troubler l’exercice de sa charge. » Mais, avant de partir, il bat sa coulpe aux pieds de son rival : « Puisque Dieu m’en a fait naître l’occasion, je l’embrasse de tout mon cœur, vous protestant que je ne retiens du passé que ce que j’ai eu de pures résolutions à votre service, et que je vous honorerai toujours à l’égal de votre qualité et, pour dire tout en peu de mots, à l’égal de votre mérite. »

Pourquoi ces concours, ces protestations, cette génuflexion universelle ? C’est que tout le monde sent maintenant, ou plutôt voit que l’avenir est à ce jeune homme, que, quels que soient les espaces et les délais qui le séparent du but, il est, dans toute la force du terme, — cinq ans avant de rentrer au ministère, — le soleil levant ; c’est qu’on découvre clairement, en lui, la résolution arrêtée d’arriver au pouvoir et la capacité d’y parvenir : « Déjà, dit Fontenay-Mareuil, on soupçonnoit qu’il vouloit gouverner et qu’on n’auroit point de repos que cela ne fût. »


Et voilà l’intérêt de la lutte déclarée qu’il soutient désormais contre Luynes : il s’agit du pouvoir. L’un tient la faveur du Roi, la Cour, les emplois, les pensions, les gouvernemens et ce qu’il reste d’armée dans la France de Henri IV ; l’autre, en fait, n’a guère d’autre appui que la confiance de la Reine-Mère ; car tout ce qui environne celle-ci lui est ennemi ou suspect. Son application va donc s’employer uniquement à conserver, à fortifier et à mettre en œuvre, avec une habileté suprême, l’instrument qu’il a en main. Autour de la Reine, quelques amis seulement lui sont dévoués : le marquis de Richelieu son frère, la marquise de