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homme dévoué aux Richelieu, Bettancourt, et celui de Chinon servit à satisfaire quelque peu la cabale adverse : on y mit Chanteloube, que l’évêque croyait peut-être gagner par cette générosité. D’autre part, le marquis de Thémines ayant quitté la petite cour où il ne pouvait plus vivre, la Reine confia la charge de capitaine de ses gardes au marquis de Brézé, beau-frère de l’évêque de Luçon, moyennant 30 000 écus que celui-ci trouva moyen de payer au précédent titulaire. Ainsi, malgré la disparition du frère, la Reine reste entourée de toutes parts. Richelieu veut, avant tout, la garder sous sa main.

Si l’on essaye de découvrir le fond des pensées de l’évêque, au lendemain de la conclusion du traité d’Angoulême et de l’accord relatif aux places de sûreté, on le trouve dans les instructions confidentielles et j’allais dire familières, qu’il donne à son oncle La Porte, au moment où celui-ci se rend à la Cour pour prêter serment en qualité de gouverneur d’Angers. On savait le bon oncle un peu bavard et de libre propos. On s’applique surtout à brider sa langue et par ces précautions, on se découvre soi-même sans y songer : « Monsieur le commandeur dira à Sa Majesté, comme la Reine a commandé de lui baiser les mains de sa part, l’assurer de son affection et de son service, avec toutes les belles paroles qu’il pourra, en peu de mots… Sur quelque chose qu’on puisse lui demander, j’estime que le meilleur est de répondre peu… Si on lui demande ce qu’il estime touchant le voyage de la Reine à la Cour, savoir si elle n’y doit pas aller, il répondra, en général, que tous les gens de bien l’y désirent. Si on l’enquiert pour savoir ce qu’estime l’évêque de Luçon, sur ce sujet, il dira que c’est le lieu où la Reine doit être, mais que c’est un conseil qui doit venir d’elle. Si on l’enquiert plus outre de ce qu’il estime qu’il en est, il dira les choses qu’il sait bien : que la Reine aime et honore le Roi et veut le repos et la paix. Du reste, vous savez bien que je suis bourgeois qui ne me soucie pas de grandes nouvelles… Partout, s’il me croit, le commandeur doit parler peu et brider sa liberté. »

De ces réponses générales et évasives, dictées à un homme qui était plutôt porté à la franchise, il ressort nettement que Richelieu continuait à jouer son double jeu et que, malgré l’obtention des places de sûreté, il n’était pas encore satisfait.

Que voulait-il donc de la Cour, au moment même où il lui