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ils annoncèrent qu’à la session close, ils répandraient leurs alarmes dans les populations par des meetings. Qui pouvait prévoir ce qui arriverait ? L’opinion ne s’enflammerait-elle pas ? Alors, il n’y aurait plus aucun fond à faire sur le bon vouloir de Palmerston. Les ministres anglais ne résistent pas à une passion publique, et, s’ils le tentent, ils sont culbutés. L’Empereur avait donc raison de ne pas se croire en sécurité complète du côté de l’Angleterre.


II

Les rumeurs d’Allemagne devenaient fort alarmantes. Les conseils et les remontrances de John Russell n’arrêtaient pas le Régent, très tenace dès qu’il avait adopté un parti et qui, s’il n’était plus d’accord avec le nouveau ministère anglais, continuait à l’être avec les sentimens intimes de la Reine. Il organisait ouvertement cette manœuvre diplomatique de la dernière heure par laquelle tout agresseur habile se déguise en bon apôtre obligé de se battre malgré lui : il s’armait, il est vrai, mais sans aucune intention agressive ; il était prêt à seconder les vœux légitimes des populations italiennes, pourvu que l’Autriche gardât Venise et reprît Milan ; il demandait qu’on l’aidât dans une médiation qui ne s’armait que pour obtenir la paix. — À qui adressait-il cette ouverture ? À Palmerston et à Gortchakof, qui, l’un et l’autre (il ne l’ignorait pas), avaient adopté le programme de l’Empereur : libre des Alpes à l’Adriatique. Il était donc assuré qu’une médiation à trois ne s’organiserait pas, et il ne la proposait que pour se donner le droit de dire à ceux qui n’auraient pas voulu l’admettre : « J’en suis bien fâché ; je suis obligé d’exécuter seul ce que vous ne voulez pas faire avec moi et de défendre seul les droits de l’Allemagne, puisque vous refusez de les sauvegarder en ma compagnie. » Ce qu’il avait prévu arriva. Le cabinet anglais refusa net la médiation : « Le temps n’en était pas venu, puisque l’Autriche n’était pas rejetée hors de l’Italie. » Gortchakof, pour retarder l’action agressive de la Prusse, ne répondit pas non ; il demanda, avant d’entrer en négociations, sur quelles bases on s’engagerait et quelles étaient les dispositions des puissances belligérantes : sous une forme dilatoire, c’était aussi un refus.

La Prusse avait donc le prétexte qu’elle s’était assuré pour agir seule. Elle y était prête. La mobilisation des deux tiers de