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maréchal Vaillant, il expédia à Vérone le général Fleury, porteur d’une lettre autographe. Cette lettre était l’équivalent de celle adressée par son oncle, le soir de Marengo, à un autre empereur d’Autriche : « C’est sur le champ de bataille, au milieu des souffrances d’une multitude de blessés et environné de 15 000 cadavres, que je conjure Votre Majesté d’écouter la voix de l’humanité. »

Napoléon III demandait un armistice. Fleury allait là défendre sa propre opinion, et l’on était sûr qu’il ajouterait une chaleur toute particulière à sa grâce d’insinuation persuasive. À l’arrivée du messager à Vérone, François-Joseph, déjà couché, se leva et le reçut aussitôt. La lecture de la lettre l’émut. « Mais, mon cher général, c’est une très grave chose que vous m’apportez là ; je ne saurais vous répondre tout de suite ; veuillez attendre jusqu’à demain matin huit heures ; j’ai besoin de me recueillir. — Je suis aux ordres de Votre Majesté, » répondit Fleury. Toutefois, avant de se retirer, il exposa les raisons qui militaient en faveur d’une suspension d’armes, et, glissant adroitement une menace sous une information, il dit : « Quelle que soit la décision de Votre Majesté, Elle me permettra de lui dire combien il est urgent que cette réponse soit prompte, lorsqu’Elle saura ce qu’Elle ignore peut-être : que la flotte française occupe en ce moment l’île de Lossini ; qu’au premier signal, vont commencer les attaques sur le littoral de la Vénétie ; qu’un corps expéditionnaire de 4 000 hommes, sous les ordres de Wimpffen, a rejoint l’amiral Romain Desfossés. — En effet, dit l’Empereur, je viens d’apprendre l’occupation de Lossini, mais je n’ai rien reçu d’officiel des Cours, et je veux réfléchir ; demain matin, je vous donnerai ma réponse. »

Le lendemain matin, vers huit heures, François-Joseph le fit demander et lui donna lecture de cette réponse. Il acceptait l’armistice et priait Napoléon III de fixer le lieu où les conditions de la paix pourraient être discutées. Sur la table même de François-Joseph, Fleury télégraphia alors à l’amiral Desfossés de suspendre l’attaque qui devait avoir lieu le lendemain.

À onze heures et demie, l’armée déployée tout entière, selon les dispositions ordonnées la veille, aperçut dans un nuage de poussière la voiture qui ramenait de Vérone l’ambassadeur de paix. La rumeur de ce qui allait se passer se répandit ; un sentiment de surprise et de regret se manifesta parmi les troupes, dont la santé physique était, en général, aussi bonne que le