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et si périlleuse. — Rassurez-vous, messieurs ; si je prends l’engagement de défendre la religion contre tous ses ennemis, comptez sur ma protection assurée et sur la promesse que je fais de souscrire à toutes les demandes que votre zèle pour le bien de l’Eglise pourra vous inspirer. — J’en ai une à vous adresser dès l’instant même, général, et j’y ajoute une telle importance que vous me pardonnerez sans doute la chaleur avec laquelle je crois devoir y insister. Il s’agit de me rendre un homme d’un mérite distingué, également recommandable par ses talens et par sa piété, un prêtre dont je connais la vertu depuis sa jeunesse, élevé auprès de moi et sous mes yeux, et auquel je destine une des premières places de mon diocèse. Cet homme est l’abbé Fournier, enfermé à Bicêtre il y a deux ans et actuellement détenu à la citadelle de Turin. — D’abord, il n’est point à la citadelle, il est dans un séminaire. — Général, j’attache un intérêt trop vif à son sort, pour n’avoir pas pris les renseignemens les plus exacts sur sa position ; il est à la citadelle et, si l’on vous a dit qu’il était dans un séminaire, on vous a trompé. — Mais c’est un fou, un insensé ! — Il n’y a eu d’insensés que ses persécuteurs. — Il a prêché avec une violence !… — Il a prêché la parole de Dieu. — il y a mis du moins bien de l’exagération ! — Il n’a prêché que la parole de Dieu ; c’est de cette manière qu’on la prêche. La bouche des prêtres doit être libre comme la vérité qu’elle annonce. — Vous exigez donc le retour de l’abbé Fournier ? — Oui, général. — Eh bien, vous l’aurez. »


18 novembre 1802.

Une nouvelle plus importante, et dont les journaux parleront encore moins, est une dernière brouillerie du Premier Consul et de son frère Lucien. On assure qu’elle a pour cause une remontrance ferme et courageuse que lui a faite Lucien contre le faste royal qu’il étale depuis quelque temps, et qui augmente tous les jours. L’éloquence de Lucien provoqua tellement la colère du Premier Consul qu’il brisa en mille pièces une tabatière qu’il tenait à la main. Lucien va, dit-on, voyager dans le Nord et à la Cour de Russie, sur quoi les méchans observent que, lorsque le grand-duc Constantin, frère de l’Empereur de toutes les Russies, vient à Paris (ce bruit avait couru), il est bien juste qu’un frère de l’Empereur de toutes les Gaules fasse le voyage de Pétersbourg.