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de sa fille : « J’ai voulu, disait-elle, lui donner des talens utiles, parce qu’elle peut un jour en avoir besoin. » Elle vante le bonheur dont elle jouissait, quand elle vivait retirée à Fontainebleau, et ne craint pas de le regretter. Dans un temps où Bonaparte était mécontent d’elle, elle disait qu’il pouvait la renvoyer à la Martinique et qu’elle serait très contente d’y vivre avec ses parens. Sa mère, Mme de la Pagerie, existe encore et, ce qui est assez singulier, c’est qu’au lieu de jouir de l’élévation de sa fille, elle en gémit. Elle est loin de croire cette élévation durable et l’idée du tour de roue de la Fortune la fait frémir.


Paris, le 6 décembre 1802.

Dans un bulletin précédent, nous avons indiqué le but politique du voyage du Premier Consul et rapproché les circonstances qui paraissaient se lier plus immédiatement à ses projets. Il est bon, maintenant, d’entrer dans quelques détails sur ce voyage et de faire connaître l’homme, après avoir montré l’usurpateur. En le comparant à lui-même sous ce double rapport, on jugera mieux ses moyens et on sera plus à portée de calculer les effets de leur développement.

Ce que les journaux ont raconté de l’attention minutieuse qu’il a donnée tout à la fois et au commerce et aux différentes branches de l’administration, non seulement n’est point exagéré, mais est même resté au-dessous de la vérité. Contributions, finances, régie des domaines, administration forestière, etc., tout a passé devant ses yeux. Il s’est fait rendre compte de tout ; il a eu de longues conférences avec les employés supérieurs et il les a étonnés plus d’une fois par la justesse et la précision avec laquelle il a parlé à chacun d’eux de sa partie. Il a visité toutes les manufactures, et, au lieu d’y donner un coup d’œil superficiel, il a passé constamment trois ou quatre heures au milieu des ouvriers, examinant leur travail, étudiant les divers procédés mis en œuvre dans les diverses fabriques, en jugeant l’effet par lui-même, interrogeant tout le monde, proposant des difficultés ou des vues nouvelles et ne cessant de questionner que lorsqu’il était pleinement satisfait.

Ce qui est relatif à l’art militaire a encore excité plus spécialement son attention. Il s’est transporté avec ses aides de camp dans les lieux où de grandes batailles ont été données, où des sièges célèbres ont été soutenus. Il a reconnu toutes les positions