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de la Chine, que c’est en France qu’elle s’est perfectionnée, et qu’il n’y a que des mauvais Français qui aient pu en faire honneur à l’Angleterre ? Apprenez que le nom de jardins français est le seul qui puisse lui convenir, et que celui de jardins anglais ne vienne plus désormais fatiguer mon oreille. » Le pauvre ministre, déconcerté, comprit alors qu’il avait mal dit et se promit bien, à l’avenir, de ne jamais trouver beau ce qui viendrait d’Angleterre, et surtout de ne jamais attribuer à l’Angleterre ce que le Premier Consul trouverait beau.

On colporte secrètement, depuis quelques jours, une caricature assez plaisante. Un petit homme sec, maigre et blême, tient une gaule à chaque main, et fait marcher devant lui un troupeau de dindons. On lit au-dessous : « Empereur des Gaules. »


Paris, le 8 février 1803.

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Nous ne devons pas omettre ici de rendre compte d’un bruit qui a circulé partout, pendant quelques jours, dans les boutiques comme dans les salons, et parmi le peuple comme parmi les gens de bon ton. Quelque ridicule qu’il puisse être, il n’en suppose pas moins une intention profonde dans ceux qui l’ont dicté et son peu de succès servira encore à prouver combien est forte et unanime la résistance qu’on oppose de toutes parts aux projets de l’usurpateur.

Bonaparte, disait-on, indépendamment de ses titres personnels et acquis à la souveraineté, en avait un autre que personne ne pouvait méconnaître : il était de la race des Bourbons et le secret de son origine se trouvait tout entier dans celui du Masque de fer. Or, voici comment on expliquait ce secret. Le Masque de fer était frère jumeau de Louis XIV. Pour prévenir toute contestation entre eux, relativement à la succession à la couronne, on résolut de séquestrer le plus faible, celui qui promettait le moins de vivre, et on le tint étroitement renfermé. Pendant qu’il était aux îles Sainte-Marguerite, il devint amoureux de la fille de M. de Bompar, qui en était gouverneur, et demanda la permission de l’épouser. On la lui accorda, mais à condition qu’elle partagerait, toute sa vie, sa prison et que les enfans qui naîtraient de ce mariage ne porteraient que le nom de leur mère. Devenue grosse, elle trouva moyen de s’évader et alla chercher un asile dans la Corse. L’enfant qu’elle mit au monde fut appelé de Bonnepart