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et le seul, jusqu’au moment où René de La Blanchère eut aménagé le palais de la Manouba pour y réunir les résultats des fouilles de la direction des Antiquités en Tunisie.

Il faut le dire hautement : c’est au cardinal Lavigerie que revient en grande partie le mérite de ces découvertes. Depuis l’époque où Dureau de La Malle refaisait, sans y avoir jamais été, la topographie de Carthage, et cherchait à fonder une société pour l’exploration de ses ruines, et celle plus récente où Beulé y promenait le regard investigateur de son œil d’artiste et d’archéologue, il est le premier qui ait compris la nécessité de faire des fouilles suivies à Carthage et d’y entretenir une mission permanente.

Auparavant déjà, l’Académie, préoccupée de réunir les matériaux du Corpus inscriptionum semiticarum, avait chargé M. de Sainte-Marie, drogman du Consulat de France à Tunis, d’une mission à cet effet. En peu de temps, il eut recueilli plus de deux mille stèles votives, d’une monotonie fastidieuse, mais prouvant que le sol de Carthage cachait encore des antiquités puniques. M. de Sainte-Marie avait aussi trouvé un assez grand nombre de morceaux d’architecture, de statues ou de fragmens de statues, tous d’époque romaine. Il vient de mourir au moment où s’achevait la publication des textes qu’il a donnés à la science. Après son départ de Tunis, les fouilles furent reprises par MM. Reinach et Babelon, et l’on peut dire que les recherches provoquées par la publication du Corpus inscriptionum semiticarum ont donné la première impulsion au mouvement que nous voyons se développer aujourd’hui sous nos yeux.

Le cardinal ne recula devant aucun sacrifice, payant les fouilles de ses deniers, et plaidant la cause de son musée avec cette ardeur persuasive qu’il portait en toutes choses. Il a eu le bonheur d’avoir pour bras droit en cette affaire le Père Delattre, dont la physionomie énergique et ouverte, la longue barbe blonde et la robe blanche sont populaires parmi tous ceux qui ont visité la Tunisie. Installé depuis longtemps au cœur de la place, connaissant les lieux et les gens, le Père Delattre était mieux placé que personne pour recueillir des renseignemens de la bouche des indigènes et pour savoir aussi de quels côtés devaient porter ses recherches.

Ses fouilles, d’abord très restreintes et faites un peu au hasard, prirent une autre tournure à la suite d’un voyage du marquis de