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la nécropole du Bordj Djedid, nous montre, sur la liste des magistrats éponymes, les mêmes personnages, cités au même rang, entre les suffètes et le grand prêtre. Et qui sait si quelque jour le sol de Carthage ne nous livrera pas une liste des Rab, ou bien une liste des suffètes, analogue pour l’histoire punique à ce qu’a été pour l’histoire romaine la découverte des Fastes consulaires ?

Chaque jour, en attendant, ajoute à nos connaissances ou plutôt diminue le chapitre de nos ignorances, et nous permet de pénétrer davantage dans cette vie d’outre-tombe qui était la continuation de la vie sur terre. Il y a quelques semaines à peine, M. Gauckler découvrait, près d’un puits funéraire, une de ces petites feuilles de plomb, roulées sur elles-mêmes, que l’on glissait dans les tombes, et qui portaient des imprécations destinées à lier certains esprits ou à se les concilier ; seulement, au lieu d’être écrite en caractère grecs ou latins, comme toutes celles que l’on connaissait jusqu’à présent, elle est en caractères puniques. Ainsi, les croyances que l’on considérait comme propres à l’Egypte ou à la Grèce se trouveraient aussi avoir été celles des Carthaginois.

Une dernière inscription, dont le Père Delattre vient de nous envoyer la photographie, fournira peut-être, quand elle sera entièrement déchiffrée, quelques lumières sur ce point. C’est une inscription funéraire, mais d’un rare intérêt, dont l’auteur fait remonter sa généalogie jusqu’à la septième ou à la huitième génération. Et cette généalogie, accompagnée de titres honorifiques que nous ne faisons encore qu’entrevoir, est suivie de tout un long développement dans lequel ce Carthaginois, après avoir rappelé le monument qu’il élève et peut-être aussi ses titres à la faveur des dieux, parait invoquer la bénédiction du dieu Soleil sur sa dépouille.

Nous avons là en tous cas, non plus une simple plaque d’identité, mais une inscription monumentale, destinée à être fixée sur un édifice qui s’élevait au-dessus du tombeau. Il semble ainsi que les nécropoles, dont nous recherchons la trace dans le sol, aient été recouvertes, suivant un usage fréquent chez les peuples orientaux, de monumens qui gardaient une place au mort parmi les vivans. Ces monumens ont été balayés par les bouleversemens qui sont la loi de l’histoire, mais une inscription en est restée comme un témoin. On en trouvera d’autres, et les découvertes qui se succèdent sans interruption depuis quelques années