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etiam manu militari les attroupemens qui ne « circulent » pas.

Louis XVIII, Charles X passèrent, et Louis-Philippe vint. La monarchie « libérale » ne voulut pas demeurer en reste sur l’Empire, et, sans doute pressée par la nécessité de se défendre et travaillée sourdement par l’émeute, elle surenchérit. Le Code pénal disait : « Nulle association de plus de vingt personnes. » La loi du 10 avril 1834 spécifia : « Même si ces associations sont partagées en sections d’un nombre moindre. » Il y avait là une issue par laquelle de subtils conspirateurs pouvaient s’enfuir : et vite on la fermait. Le Code pénal voulait, en outre, que les réu ions fussent quotidiennes ou leur périodicité régulière. La loi de 1834 corrigea : « Alors même que les associations ne se réuniraient pas tous les jours ou à des jours marqués[1]. » L’amende encourue, non plus seulement par les « chefs, directeurs, administrateurs, » mais par tous les membres d’une association non autorisée, — l’autorisation étant d’ailleurs à chaque instant révocable, — était élevée comme minimum de seize à cinquante, et comme maximum de deux cents à mille francs ; on l’additionnait de prison : de deux mois à un an ; le tout doublé en cas de récidive et renforcé par la surveillance de la haute police[2]. Sous le couvert de cette loi protectrice, et à l’abri de ce rempart formidable, qui empêchait vingt citoyens de s’entendre, même par sections de quatre ou cinq, la monarchie de Juillet marcha tout droit à la révolution de 1848.

La seconde République voulut être généreuse, et, préoccupée des questions sociales, elle pensa tout de suite aux ouvriers : « Le gouvernement provisoire reconnaît que les ouvriers doivent s’associer entre eux pour jouir du bénéfice de leur travail[3]. » Les associations politiques purent, elles aussi, se croire libres, sinon désirées pendant quelques mois, mais, dès le 27 juillet de la même année 1848, intervint une loi sévère, qui ne s’adoucit un peu que vingt ans après, en 4868, lorsque l’Empire se libéralisa.

Entre temps, le 21 juin 1865, avait été promulguée une loi sur les « associations syndicales, » associations très différentes des syndicats professionnels et que forment les propriétaires intéressés pour l’exécution et l’entretien des travaux de défense contre la mer, les fleuves, les torrens, les rivières ; de curage, de

  1. Loi du 10 avril 1834.
  2. Ibid., art. 2.
  3. Décret des 25-29 février 1848.