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vivre en repos auprès de lui. Cependant on intrigue, on cherche des alliances, on arme. Richelieu prononce lui-même cette parole à double tranchant, mère de toutes les méfiances : « Qui offense ne pardonne jamais. »

L’hiver se passe en ces allées et venues, ce chassé-croisé de démonstrations et de tromperies.


Vers la mi-mai, quand la sève monte et que le sang commence à bouillir dans ces veines de gentilshommes, on se met en campagne. Le premier esclandre vint de là où on l’attendait le moins : de la Cour même. Un très haut personnage, très noble, très sympathique, ayant hérité, auprès des Parisiens, de toute la popularité de la famille de Guise, le duc du Maine, fit un coup de tête. Il avait à se plaindre de l’autorité croissante du prince de Condé. Il était poussé par la comtesse de Soissons, dont il était très amoureux ; d’ailleurs, d’esprit assez léger et d’intelligence courte, un beau jour il se crut menacé. Il monta sur un de ses coureurs et sortit de Paris pour se rendre, à franc étrier, dans son gouvernement de Guyenne.

Ce fut comme un signal. Luynes put se rendre compte que la Cour était toute minée autour de lui. Une femme habile avait, sans bruit, accompli ce travail. C’était Anne de Montafié, comtesse de Soissons, veuve du grand ami de Henri IV et mère du jeune comte de Soissons, dont la carrière, déjà turbulente, devait plus tard s’achever si tragiquement, à la Marfée. Ces Soissons étaient Bourbon, Bourbon-Vendôme. Immédiatement après les Condé, ils étaient les princes du sang les plus proches. La naissance du prince de Condé, fils posthume du petit Condé des guerres de religion, n’avait jamais été sans contestation. Les Soissons étaient les premiers intéressés à mettre en doute la légitimité. Anne de Montafié était fière, ambitieuse. Elle se mirait dans le caractère de son fils, âgé de vingt ans à peine, et qui s’était déjà montré d’humeur à tenir tête à qui que ce fût dans le royaume, et notamment à son rival, le prince de Condé. Tant que celui-ci était resté sous les verrous de la prison de Vincennes, Anne de Montafié s’était tenue coite. Mais, dès que le premier prince du sang eut repris sa place à la Cour, la Cour lui devint insupportable et, sans même prendre l’avis de la Reine-Mère, elle se mit à cabaler pour elle. Ce fut la comtesse de Soissons qui décida le duc du Maine à prendre la fuite. Elle agit de même auprès