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dans les événemens qui suivirent. Tandis que la plupart des grands, notamment le duc de Rohan, conseillaient à la Reine de quitter les bords de la Loire et de prendre son point d’appui dans les provinces du Midi, où elle serait à la fois plus éloignée et mieux soutenue, Richelieu, qui craignait, par-dessus tout, de la mettre sous la dépendance de ses rivaux, la décide à rester en pointe et en péril, à Angers, là où lui et les siens étaient les maîtres. En outre, il fait confier les fonctions de maréchal-général, c’est-à-dire de chef d’état-major, à M. de Marillac, homme de guerre de peu d’expérience et de peu d’autorité, mais son intime confident. Ainsi il tenait tous les fils, assumait toutes les responsabilités. C’est ce qui résulte, d’ailleurs, de cette simple phrase de la relation à lui adressée, beaucoup plus tard, par ce même Marillac : « Tout ce qui peut se faire de préparatifs se fit sous le soin de M. de Lusson… Il avoit, pour la conduite générale des affaires et pour le maniement des bons et mauvais esprits, tout le faix sur les épaules. »

Sous l’impulsion de Richelieu et de son lieutenant, l’action militaire se prépare, ayant son centre à Angers, et menaçant de loin la capitale, comme d’un immense croissant insurrectionnel. La pointe septentrionale de ce croissant est aux portes mêmes de Paris, à Rouen, où, sous l’impulsion du gouverneur de la province, Longueville, un fort parti s’est formé, ayant à sa tête le président Leroux de Bourgtheroulde. Le même Longueville tenait le château de Dieppe, maintenant ainsi les communications avec la mer. À l’arrière, la ville de Caen, aux mains du grand prieur de Vendôme, offrait le point d’appui de son formidable château. Dans la basse Normandie, un lieutenant de Longueville, Thorigny, occupait Gran ville, Cherbourg et Saint-Lô. Par le Havre, Villars assurait au parti la possession de la basse Seine. Dreux, la Ferté-Bernard et le Perche, avec une partie du Maine, étaient aux Vendôme. Derrière, toute la Bretagne offrait un vaste réservoir d’hommes dont le duc de Vendôme disposait ; il était, en outre, le maître des passages de la rivière du Loir. Le maréchal de Boisdauphin avait les avenues des rivières de la Sarthe et de la Mayenne par la possession de Sablé et de Chateau-Gontier. Enfin, sur la Loire même, la Reine-Mère assurait la communication, par Angers et les Ponts-de-Cé. Presque toute la noblesse du pays s’était déclarée pour elle.

L’autre corne du croissant s’étendait sur la rive gauche de la