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en arrière. Il n’avait pas cinq cents hommes avec lui. La foule l’acclamait et bénissait son arrivée avec une cordialité qui répondait aux sentimens du Roi lui-même. Il prenait, pour la première fois, contact avec son peuple et, de part et d’autre, on sentait que cette rencontre dissipait l’inquiétude et assurait, pour longtemps, la paix royale. On était heureux. Il s’établit, parfois, entre les foules et ceux qui ont la charge de leurs destinées des instans de communication fugitive qui créent le plus fort des engagemens. Il en fut ainsi, à Rouen, en ce mois de juillet 1620. Le Roi dut sentir en lui-même la satisfaction d’avoir su se résoudre, la joie de l’action, la fierté d’un succès qui lui appartenait bien et qui lui faisait connaître toute la douceur de son métier de Roi.

Par l’occupation de Rouen, la Basse-Seine était conquise. Mais le second centre de la résistance, en Normandie, était à Caen. Le grand prieur de Vendôme en avait confié la défense à un capitaine énergique et tenace, nommé Prudent. Le château était fort, bien muni ; la ville, au début, ne paraissait pas hostile aux rebelles. Cependant, le Roi envoya sans hésiter deux de ses lieutenans, Arnauld et Mosny, annoncer qu’il serait à Caen dans quelques jours. Un moment, les gens de la ville hésitèrent. Mais, finalement, ils envoyèrent une députation au-devant du Roi, à Pontoise. « Je ne vous perds pas de vue, leur répondit-il, mais laissez-moi pacifier ma ville de Rouen et, dans deux jours, je serai à vous. » Prudent, inquiet, fit prévenir son maître, le grand prieur ; celui-ci, qui était sur le chemin de Vendôme à Angers, fit mine, un instant, de vouloir s’enfermer dans Caen. Mais, comme le duc de Longueville, il ne tenait pas à se trouver face à face avec le Roi, et, après un mouvement en avant, il se replia sur Angers. Prudent lit savoir qu’il tiendrait jusqu’au bout. On conseillait au Roi de laisser à ses généraux la conduite et la responsabilité du siège : « J’irai, dit-il, si je suis repoussé, on plaindra mon malheur. Mais on ne me reprochera pas ma lâcheté, comme on feroit si nous temporisions davantage… Péril deçà, péril de là, péril sur terre, péril sur mer, allons droit à Caen. »

Le 14, il passait la Seine à Honfleur. Le 15, il franchit, d’une traite, l’étape de douze lieues entre Dive et Escouville ; il s’arma et mit son hausse-col, pour la première fois. Il se fit servir du vin clairet et moins trempé qu’à l’ordinaire, « disant gaiement qu’il le fallait ainsi, puisqu’il allait à la guerre. » À trois heures, il était en vue de Caen et recevait une députation de la ville : « Je ne veux