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LA
RÉVISION DES PROCÈS CRIMINELS

Au temps où l’on parlait latin, les légistes avaient inventé les expressions les plus fortes et les plus pittoresques pour faire comprendre aux faibles mortels tout ce qu’il y a de sacré, de vénérable, d’inviolable dans la « chose jugée. » Les uns disaient : « Elle est l’équivalent de la vérité (Res judicata pro veritate habetur) ; » d’autres : « Elle rend droit ce qui était courbe et noir ce qui était blanc (Facit ex curvo rectum, ex albo nigrum) ; » d’autres encore : « Elle est le seul port où puissent expirer les tempêtes humaines, et si les hommes n’y jettent pas l’ancre, ils seront emportés sans retour sur l’océan des procès (Hic unus inter humanas procellas portus, quem si homines fervidà voluntate præterierint, in undosis semper jurgiis errabunt). » On avait ciselé beaucoup d’autres métaphores pour exprimer la même pensée. Enfin notre Cour de cassation a plusieurs fois entendu répéter cette phrase de Cicéron : Status reipublicæ maxime judicatis rebus continetur.

Ces belles phrases enveloppent une idée juste. Il faut choisir de bons juges, éclairés et probes ; ouvrir, dans la plupart des cas, une voie de recours ordinaire contre leurs sentences, qui est l’appel, placer encore au-dessus de ce second tribunal, si l’on veut, une juridiction suprême qui garantisse aux justiciables la plus exacte application des lois. Mais, quand on a tout dit, tout épuisé, le procès criminel ou civil doit être clos : il serait absurde de le recommencer indéfiniment. D’abord, les plaideurs y perdraient la tête en même temps qu’ils y laisseraient leur dernier