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les Comptes rendus aux ateliers de la Fédération des travaux du Grand Orient, depuis le mois d’août 1896 jusqu’au début de 1899, et les comptes rendus, aussi, de certains congrès régionaux. Les « ateliers du suprême conseil du rite écossais ancien » et ceux de la « grande loge symbolique écossaise » nous seront annuellement présentés, par leurs dignitaires, dans les banquets mêmes du Grand Orient; quant à ceux du « rite de Mizraïm, » ils sont assez épars pour que nous les puissions négliger[1]. Nous prodiguerons les citations : la langue, peut-être, en paraîtra nouvelle. Il y a, en effet, une langue maçonnique, comme il y a une ponctuation maçonnique : langue abstraite, éprise des termes généraux et dédaigneuse de la variété, visant plus à l’ampleur qu’à la richesse, détestant les vocables usuels, préférant, par exemple, au mot « banquet » l’expression, évidemment plus digne, de « travaux de mastication[2], » et s’exaltant souvent jusqu’à des effets de grandiloquence dont le « profane » demeure accablé. Cette langue, commune à toutes les loges, est un insigne instrument de nivellement intellectuel : le sot et l’homme d’esprit, dans la maçonnerie, disent à peu près les mêmes choses dans les mêmes termes; soit par condescendance, soit par suite des nécessités de ce genre oratoire, les originalités s’effacent, et les talens personnels, en même temps qu’ils entrent en loge, entrent en sommeil. Ils sont captifs et victimes de la phraséologie qui leur est imposée, et que nous aurons nous-mêmes à subir.


I

Pénétrons dans une « tenue blanche : » on nomme ainsi, soit les harangues d’apparat, soit les cérémonies d’« adoption, » de « reconnaissance conjugale, » de « tenue funèbre, » auxquelles la maçonnerie admet le public. C’est une « tenue blanche » liturgique que nous choisirons. Il fut un temps, proche encore, où ces solennités étaient inaccessibles : lorsque, en 1885, M. Foussier, conseiller municipal de Paris, composait le Rituel d’adoption aux trois voiles[3], il n’avait en vue qu’une cérémonie intime, ésotérique; c’est en présence des « Frères, » et d’eux seulement, que les enfans devaient entrer dans le temple, la tête triplement voilée,

  1. Sur les rapports de ces divers rites, voir B. G. O., sept. 1882, p. 283-368.
  2. B. G. O., sept. 1883, p. 654.
  3. Paris, imprim. Louis Hugonis, 1885.