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le nom du magasin en grands caractères laqués noirs ; il en est de parlantes, des bottes or et noir pour les bottiers, des ligatures de sapèques pour les banques, des panaches rouges pour les chapeliers. Certaines devantures servent tout entières d’enseignes ; celles des grands magasins de thé sont en bois sculpté, ajouré, une dentelle d’or représentant quelque montagne célèbre où des génies cueillent les pousses parfumées et dégustent aux sons de la musique le délicieux breuvage. Les restaurans ont souvent sur la rue leur cuisine large ouverte, enseigne odorante et appétissante ; il faut la traverser pour arriver aux salles. Il est des enseignes qui se font discrètes : tel grand marchand d’antiquités a ses magasins dans une maison d’apparence bourgeoise, s’ouvrant sur la rue par une porte de dimensions et de forme ordinaires, en bois uni rehaussé d’or, de rouge, de vert ; si vous entrez, vous ne trouvez pas une boutique, mais des salons meublés de confortables fauteuils, ornés de jades, de cloisonnés, de porcelaines que l’on vous montre avec complaisance, et que l’on vous cède pour un bon prix avec la plus grande politesse. Enfin beaucoup de magasins ne sont fermés que par des châssis en bois garnis de papier, ou s’ouvrent en plein, séparés de la rue par un simple comptoir où s’accoude le commis.

Si l’enseigne variée et brillante est de nature à attirer les chalands, l’étalage à la devanture est négligé et n’offre rien de comparable à nos rues parisiennes. Le marchand chinois veut qu’on sache son existence, il ne dédaigne pas de montrer son capital dans les dorures et les ornemens de son enseigne, il se rappelle au public par des affiches grandiloquentes, mais il désire beaucoup moins exposer sa marchandise, la faner au soleil, la livrer aux regards des imitateurs et des mendians. Aussi l’aspect intérieur est-il bien moins engageant que l’enseigne ; d’habitude la façade est étroite, le terrain s’étend en profondeur, de sorte qu’un plus grand nombre de boutiques donnent sur la rue ; la construction à étages, qui ménagerait le terrain, n’est pas usitée, les croyances populaires s’opposant à ce qu’on mette plus d’un étage au-dessus du rez-de-chaussée.

Le magasin comprend donc quatre ou cinq pièces médiocrement éclairées, de forme rectangulaire, mais situées irrégulièrement les unes derrière les autres, réunies et séparées par des cours et des passages. De pareilles constructions seraient peu propres à l’habitation ; le Chinois, auquel il faut sa maison bien