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un cuisinier qui prépare les repas communs et sert, deux fois par jour, les vermicelles et macaroni, les choux salés, la volaille ou le porc, qui forment le fond de la nourriture pour la classe moyenne dans le Nord. Chacun mange sur le coin d’une table, sur un comptoir, là où il se trouve, l’usage d’une pièce spéciale comme salle à manger étant inconnu en Extrême Orient.

La plupart des commis couchent aussi dans le magasin ; le lit chinois, en effet, se compose d’un oreiller et de quelques couvertures, le tout facile à empaqueter et à transporter ; le jour, tout cela se met dans un coin ; le soir venu, chacun déroule son couchage et l’étend où bon lui semble. Les gens mariés retournent rarement chez eux, leur habitation étant souvent située dans un quartier éloigné ou en province. Les chefs de la maison partagent habituellement la vie de leurs inférieurs ; comme le commerce chinois n’emploie pas de femmes, bien des difficultés sont par là supprimées pour la vie et le logement. Ouvertes à quatre ou cinq heures du matin en été, les boutiques ont leur moment d’animation avant dix heures ; les affaires reprennent pour quelques heures quand la chaleur du jour est passée ; elles cessent en toute saison avec le coucher du soleil. Si le Chinois n’est pas noctambule, sans doute à cause de l’éclairage défectueux, les boutiquiers, comme le peuple de Péking, aiment, pendant les soirs d’été, à chercher un peu de fraîcheur sur le seuil des maisons. La rue est étroite, de rares piétons circulent ; on cause entre voisins, on conte des histoires, on se délecte à fumer la pipe, à jouer du hou khin ou du san sien[1]. Cette oisiveté pleine de bonhomie, après la journée accablante, rapproche patrons et commis ; c’est là que la simplicité de manières qui règne dans la classe commerçante apparaît peut-être le mieux. En hiver, la boutique ouvre plus tard, les affaires importantes se traitent de préférence le matin, mais le flot des visiteurs est pressé surtout aux heures que le soleil attiédit. La veillée est vite terminée, car on ne se soucie pas d’user de la graisse d’éclairage et du combustible ; la vie chinoise, plus naturelle que la nôtre, suit d’assez près le cours du soleil.

  1. Sortes de violon et de guitare.