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de Swatow et de la douane en 1881 (celle-ci offre des caractères si spéciaux que j’y reviendrai tout à l’heure) décèlent des vues très nettes, une véritable politique.

La corporation, par ses attributions complexes, tient lieu de nos associations syndicales, de nos chambres de commerce, de nos tribunaux commerciaux. Sa juridiction, qui reste toujours commerciale, pour n’être pas officielle ni obligatoire, n’en a pas moins de force et d’étendue, qu’il s’agisse de régler un différend, de surveiller une liquidation pour cause de mauvaises affaires ou de diriger un partage d’actif en proportion des dettes, après quoi le débiteur est tenu pour libéré. Il est bien rare que son arbitrage ne soit pas accepté, car la justice des mandarins est fort coûteuse et, comme la loi écrite, elle a un caractère pénal ; l’on n’y a recours que faute de tout autre moyen. Ainsi la corporation assure le fonctionnement de plusieurs services relatifs au commerce et qui, en Europe, sont confiés à l’Etat ou surveillés par lui ; les dépenses qui lui incombent de ce chef sont payées par les cotisations des membres. L’Etat, ainsi déchargé de tous soins spéciaux au sujet des commerçans, ne devrait, semble-t-il, leur réclamer aucun impôt spécial ; de fait, il leur demande peu. Il faut, pour ouvrir boutique, une autorisation délivrée par la sous-préfecture, en province, à Péking, par les Censeurs ou par la Maréchaussée : un droit proportionnel au capital engagé dans l’affaire est alors perçu une fois pour toutes. Il existe aussi quelques obligations spéciales des marchands envers l’autorité. A Thien tsin, les charbonniers fournissent le combustible au sous-préfet à un prix sensiblement inférieur au cours ; à Péking, l’Intendance de la Cour a des contrats plus ou moins formels avec certaines maisons ; en général, les fournitures officielles ne se font pas sans de nombreux pots-de-vin donnés aux employés subalternes, et parfois, dit-on, à des personnages plus importans. Mais ces avantages faits à l’administration sont librement consentis ; et, d’ailleurs, ils ne sauraient s’élever bien haut sans qu’il y ait protestation des intéressés ; alors la corporation prend l’affaire en main, les boutiques ferment, c’est une grève ; il s’en est encore présenté des exemples, il y a deux ans, chez les banquiers du Chan-tong, mécontens d’une décision du gouverneur ; dans les monts-de-piété de Canton, qui avaient à se plaindre de violences de la part de la garnison mantchoue. Il s’en faut qu’en pareil cas, force reste toujours à l’autorité.