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de pluie, le même volume d’air ne contenait plus que 6 milligrammes. Voilà l’état des choses à Paris, c’est-à-dire dans l’un des centres les mieux policés au point de vue de la salubrité ! Dans d’autres lieux habités moins salubres, l’action bienfaisante de la pluie est encore plus marquée. C’est ainsi que, d’après les calculs de Jacobi, la pluie précipite à Kharkof, par un temps poudreux d’automne, autant de poussière qu’il s’en dépose à Paris sur une égale superficie en l’espace d’un an !

Et combien d’organismes inférieurs sont emportés par les précipités atmosphériques ! D’après Miquel, la quantité de microbes entraînés par l’eau de pluie est toujours très forte, quelque oscillations qu’elle subisse suivant les lieux et la saison. Dans les villes, l’eau de pluie renferme ordinairement plusieurs millions de microbes par litre.

Ces faits positifs ne nous laissent point de doute sur l’action bienfaisante de l’eau. Que dire si l’on envisage cet agent naturel non plus dans ses humbles et si utiles fonctions, mais par rapport aux harmonies de la nature et de l’art !

« L’eau, comme on l’a dit, est l’âme du paysage » ; « elle en est l’œil, » dit un proverbe oriental. L’eau donne la fraîcheur aux herbes et aux arbres, nourrit les prés et les clairières, les bosquets et les bois ; elle vivifie tous ces présens de la nature, et les conserve pour le plus grand bien de l’homme.

Si la mer, avec toute sa magnificence et son action salutaire, si la mer, dis-je, provoque parfois chez l’homme un sentiment d’abattement et d’humilité, en revanche, la libre steppe couverte d’un tapis fleuri, la prairie verdoyante qui caresse le regard, la forêt paisible aux senteurs pénétrantes, les alpes glorieuses, — tout cela est pour chacun une source de profonde volupté, volupté résultant du relèvement de l’énergie morale et physique. Où devons-nous chercher l’origine de cette jouissance ? Avant tout dans un sentiment artiste de la nature et de ses beautés ; mais aussi dans l’impression purement physique produite par l’air frais, pur et sain, qui renouvelle le corps et donne le bien-être de vivre !

C’est aux champs, vers la forêt, à la campagne, au sein de la nature, en un mot, que tendent consciemment ou inconsciemment les désirs de tout homme qui a besoin de se rafraîchir et de se fortifier. « Les heures, dit Lubbock, où notre âme déborde du sentiment des beautés de la nature, ces heures sont les seules que nous