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le tordre lorsqu’on ne pouvait pas faire davantage. Enfin tous ces débris ont été entassés, avec les chaises et les bancs, au milieu de la nef, et on y amis le feu. Heureusement il a pu être éteint avant que l’église fût la proie de l’incendie. Voilà les faits. On ne saurait se méprendre sur leur sens, qui est d’ailleurs tout à fait conforme à celui du mot d’ordre donné par M. Sébastien Faure. La police, voyant le danger grandir avec une rapidité effrayante, s’est multipliée pour y mettre fin ; elle a fait très courageusement son devoir, et ce n’est pas à elle que s’adressent des reproches que le gouvernement a seul encourus. Nous déplorons seulement qu’on ait, au début, laissé le champ libre à une manifestation qui devait si vite dégénérer en émeute, et à une émeute qui devait se caractériser par le sac d’une église. Du moins, il en résulte une leçon très claire ; elle n’échappera qu’à ceux qui ne voudront pas la retenir.

Mais il y a d’habiles politiques qui sont parfaitement décidés à n’en tenir aucun compte. L’émeute du 20 août est pour eux un incident malheureux, et encore plus maladroit, qu’ils sont très loin d’excuser : ils se contentent de le regarder comme négligeable. Le véritable péril n’en est pas moins ailleurs, et ils se croient trop clairvoyans pour prendre le change. Où est-il donc ? Il est dans l’esprit clérical dont l’invasion devient, à les entendre, de plus en plus menaçante, et contre lequel il faut recourir à des mesures de défense immédiates. On ne peut pas à moins sauver la République. Le militarisme et le cléricalisme sont les deux grands ennemis de l’heure présente ; c’est contre eux qu’il faut entrer en guerre, et cette guerre prend dès maintenant toutes les formes déjà connues. Il est à peine besoin de dire qu’on commence par réclamer l’expulsion des jésuites ; c’est toujours le premier acte. L’initiative a été prise par quelques journaux, et elle a réussi auprès d’une douzaine de conseils généraux qui ont émis des vœux dans ce sens. Mais il y a quatre-vingt-six conseils généraux, et l’on voit tout de suite de quel côté est la majorité. Le pays, dans son ensemble, est affamé de paix intérieure ; il a horreur des luttes religieuses dont il a pu mesurer à maintes reprises la malfaisance et la stérilité. On le sait bien. Aussi, d’autres manœuvriers, plus habiles que les premiers, préfèrent-ils les attaques moins directes, et c’est sur le terrain de la liberté de l’enseignement qu’ils dressent leurs batteries. Il n’est pas douteux qu’une grande bataille se prépare, et que nos hommes de progrès vont nous inviter à revenir à cinquante ans en arrière, oubliant que c’est la République de 1848 qui a donné la liberté de l’enseignement secondaire, et que c’est la République de 1871 qui a