Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brillant élève, que le cours auquel il appartenait était désigné couramment sous son nom[1], M. Boutreux[2], jeune poète de talent qui périt dans la conjuration de Mallet ; Mgr Angebault, évêque d’Angers, l’abbé Gourdon, qui mourut curé de la cathédrale de cette ville après avoir été vicaire général du diocèse de Nantes, et l’abbé Duchesnay, qui fut secrétaire de l’archevêché de Paris, avaient fait partie de ce cours demeuré légendaire dans ce collège ecclésiastique. Il en sortit à dix-sept ans pour enseigner la rhétorique au collège de Doué ; mais l’ambition l’ayant pris de compléter ses études à l’École normale qui venait de s’ouvrir, il y fut reçu en 1809, et s’y rencontra avec Patin, Victor Cousin, Th. Gaillard, Viguier, Pouillet, Larauza, qui, tout de suite, lui furent attachés par des liens que sa mort seule devait rompre.

Trois ans plus tard, il passait sa thèse de doctorat ès lettres. Il avait pris pour sujet : De la manière de traduire les poètes anciens. Grave question, qui est toujours pendante depuis que Joachim du Bellay la posa dans sa Deffence et illustration de la langue françoise, en 1550. On se souvient qu’à cette époque Joachim n’admettait pas qu’on traduisît les poètes anciens ; il changea d’avis plus tard en traduisant deux livres et plus de l’Enéide. Moins révolutionnaire que son compatriote, et convaincu que les poètes anciens pouvaient se traduire, Charles Loyson estimait que les uns devaient l’être en vers et les autres en prose. Et voici ce qu’il écrivait sur la question à M. Papin, régent de rhétorique au collège de Saumur, son correspondant habituel, son mentor et son ami le plus intime :

« Je vous ai promis de vous envoyer la suite des propositions que je veux développer et soutenir dans ma thèse ; mon plan n’est point encore arrêté. Je vais cependant vous exposer ce qu’une première vue de mon sujet me présente.

« Pourquoi s’est-on si peu entendu quand il s’est agi de décider si les poètes doivent être traduits en vers ? 1° parce que ne

  1. Il remporta en rhétorique (1804-1805) les premiers prix d’excellence, de version latine, de discours français et de discours latin (Note de M. l’abbé Moreau, supérieur actuel du collège de Beaupréau).
  2. Charles Loyson a chanté son ancien camarade dans son Ode sur la Conjuration de 1812 :

    O triste et cher objet de deuil et de tendresse,
    Infortuné Boutreux, tes vertus, ta jeunesse,
    De tes assassins même ont ému la pitié !
    Mais je dois consacrer d’autres chants à ta gloire :
    Au temple de mémoire
    Puissè-je unir nos noms unis par l’amitié !