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feuille de talapot que leur est venu l’appellation européenne de talapoins. Leur robe, emblème de leur pauvreté, ne peut être faite que de morceaux, soi-disant débris d’étoffes ; et la robe la plus neuve doit comprendre un nombre déterminé de coutures.

Le bouddhisme de la Birmanie, qui passe pour un des plus purs et des plus savans foyers de la doctrine du Bouddha, est pénétré de la croyance aux mauvais esprits, ceux qu’il importe avant tout de ménager. A côté des statues de Gautama, on voit le plus souvent deux natt, deux mauvais génies, toujours entourés de fleurs et près desquels les fidèles restent longuement prosternés. Dans une pagode à cinq ou six milles de Mandalay, on n’adore que les natt. En réalité, le bouddhisme n’a rien d’immuable ; celui du Sud ne ressemble pas à celui du Nord, la loi bouddhiste se modèle sur l’organisation politique et sur les coutumes de chaque peuple.

Les Birmans sont superstitieux. Ils voient un paon dans le soleil et, comme les Chinois et les Thibétains, un lièvre dans la lune ; comme les peuples d’Egypte, ils se croient descendans du soleil et de la lune que représentent leurs armes. Autrefois, sous les rois, quand on avait coutume de s’entre-tuer entre princes et princesses, il y avait toujours disette si on enterrait les victimes au lieu de les jeter à la rivière pour se rendre propices les génies des eaux. A Mandalay, la première pierre de chaque édifice devait être une pierre vive pour écarter les esprits et les mauvais génies. On croit encore qu’à certaines époques, les natt, les esprits, réclament le sacrifice d’une vie humaine encore vierge, et on ne se soucie pas alors de sortir le soir ; une erreur est si vite commise !

Les tremblemens de terre étaient autrefois très fréquens, et je constatais qu’à Mandalay, on avait coutume pour la solidité des temples de former leurs colonnes d’un long tronc de bois de tek, revêtu d’une maçonnerie. Tout le monde sait que les tremblemens de terre étaient causés par la colère des natt ; ils sont maintenant moins fréquens, mais les pluies ont considérablement diminué dans la haute Birmanie. Elles avaient commencé, dit- on, à diminuer sous le roi Theebaw, qui était un mauvais roi, et elles continuent de ne pas tomber sous les Anglais. On prétend que c’est la faute des Anglais. « Les natt, dit-on, n’en sont pas contens. » « Croyez-vous, disent les fonctionnaires, notre gouvernement aussi mauvais que celui du roi Theebaw ? — Non,